I. Pour comprendre
II. Diabète de type 1
III. Diabète de type 2
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Objectifs pédagogiques
Diagnostiquer un
diabète.
Identifier les situations d’urgence
et planifier leur prise en charge.
Argumenter l’attitude
thérapeutique nutritionnelle et médicamenteuse et planifier le suivi du
patient.
Décrire les principes de la
prise en charge au long cours.
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La prévalence d’un diabète préalable associé à la grossesse est de 0,5 à 1
%. Un tiers est représenté par des diabètes de type 1, deux tiers sont des
diabètes de type 2, dont la prévalence augmente du fait de l’augmentation de l’obésité.
Il s’agit d’une pathologie maternelle qui, contrairement au diabète
gestationnel, peut entraîner des risques graves pour la mère et l’enfant.
L’amélioration du pronostic des grossesses chez des femmes diabétiques
passe avant tout par une programmation préconceptionnelle, une collaboration
multidisciplinaire et une adhésion de la femme elle-même.
•
Fréquentes au cours du 1er trimestre.
• Sévères chez 40–45 % des patientes.
• Mortalité maternelle rapportée exceptionnelle.
•
Pas de retentissement embryonnaire ou fœtal rapporté.
• Circonstances favorisantes :
–
antécédents d’hypoglycémie avant la grossesse,
– vomissements,
–
baisse initiale des besoins en insuline,
– recherche de la normoglycémie,
• Prévention : optimisation thérapeutique préconceptionnelle.
•
Fréquence 2 à 3 % à partir du 2e trimestre
• Risque de mort fœtale : 10–20 %
• Circonstances favorisantes :
– Vomissements,
– β-mimétiques,
– glucocorticoïdes (maturation pulmonaire fœtale),
– mauvais équilibre glycémique,
– infection,
– diabète méconnu,
– grossesse méconnue,
– pompe à insuline défectueuse.
• Prévention :
–
recherche d’une cétonurie si glycémie > 2 g/L (11 mmo/L),
– augmentation des doses d’insuline,
– contacter le diabétologue,
•
Prise en charge urgente en milieu spécialisé.
•
Fréquence : 60 % des patientes après 5 à 15 ans d’évolution du diabète.
•
Une flambée peut survenir, surtout lorsqu’il existe déjà des lésions en
début de grossesse.
•
Une photocoagulation urgente au laser est parfois indiquée.
•
Elle est aggravée par l’hyperglycémie et l’hypertension artérielle (HTA).
•
La régression est habituelle au décours de la grossesse.
•
Fréquence : 20 à 30 % des patientes après 15 ans d’évolution du diabète.
•
L’excrétion urinaire d’albumine augmente dans la seconde moitié de la
grossesse.
•
Une HTA apparaît dans 60 % des grossesses, ou s’aggrave si elle était
présente avant la grossesse.
•
Une pré-éclampsie surajoutée est rapportée dans 40 % des grossesses.
•
L’insuffisance rénale préexistante ne s’aggrave que rarement.
•
Le risque de prématurité induite et de restriction de croissance fœtale est
augmenté.
•
À distance et dans la majorité des cas, l’état rénal reviendra à l’état
antérieur, sauf en cas d’insuffisance rénale sévère préexistante.
•
La survenue de vomissements augmente le risque d’hypoglycémies et d’acidocétose.
•
Les antiémétiques classiques peuvent être utilisés.
Certaines complications sont plus fréquentes.
•
La prévalence de la pré-éclampsie est de 12 a 20 % et augmente en cas de
rétinopathie ou de néphropathie préexistantes et selon le stade de l’atteinte
rénale : 30–40 % en cas de microalbuminurie, 40–50 % en cas de protéinurie,
plus de 50 % en cas d’insuffisance rénale. Dans ces situations, une restriction
de croissance fœtale est plus fréquente.
•
Les infections urinaires : elles prédisposent à la pyélonéphrite aiguë ou à
l’acidocétose diabétique. Les bactériuries asymptomatiques doivent être
recherchées tous les mois et traitées.
• L’hydramnios.
La glycémie fœtale est corrélée à la glycémie maternelle. L’insuline
maternelle ne traverse pas le placenta. Le pancréas fœtal sécrète de l’insuline
à partir de la douzième semaine. Une hyperglycémie au long cours entraîne un
hyperinsulinisme fœtal. Ces modifications rendent compte de la plupart des
complications fœtales et néonatales.
•
Fausses couches du 1er trimestre : plus fréquentes en cas de
diabète très déséquilibré.
• Malformations congénitales sévères :
–
Fréquence deux à trois fois plus élevée que dans la population générale.
–
Risque accru lorsque le diabète est mal contrôlé dans les premières semaines
de la vie embryonnaire (5–8 semaines d’aménorrhée), mais rejoint celui de la
population générale si l’équilibre est optimal. En valeur absolue, ce risque
passe de 2 % pour une HbA1c de 5,5 %, à 6 % pour une HbA1c de 9 %.
–
Atteinte multiviscérale fréquente : appareil cardiovasculaire, système
nerveux central (défaut de fermeture du
tube neural), squelette et appareil uro-génital.
–
Principale cause de morbidité et mortalité néonatale.
–
Le risque d’anomalies chromosomiques n’est pas augmenté.
• Macrosomie :
–
Définie par un poids de naissance supérieur au 90e percentile
pour l’âge gestationnel.
–
Le bon contrôle du diabète diminue mais ne supprime pas la macrosomie qui
persiste chez la moitié des nouveau-nés de mère diabétique de type 1.
–
Elle est à l’origine de difficultés obstétricales dont la plus grave est la
dystocie des épaules qui peut entraîner une paralysie du plexus brachial,
transitoire ou définitive, une asphyxie, à l’origine d’une encéphalopathie
néonatale, de décès ou de séquelles neurologiques.
• Prématurité :
–
La prématurité modérée (32–37 SA) est 5 à 10 fois plus fréquente que dans
la population générale.
–
La prématurité spontanée (menace d’accouchement prématuré et rupture
prématurée des membranes) et la prématurité induite (pour une pathologie maternelle
ou fœtale) sont toutes deux augmentées. Les causes sont imprécises : un mauvais
contrôle glycémique est associé à une augmentation de fréquence des deux types
de prématurité, la nulliparité et la pré-éclampsie étant de plus associées à un
risque accru de prématurité induite.
–
Chez les femmes qui ont une néphropathie, le risque de prématurité,
incluant la grande prématurité (avant 32 SA) est augmenté et pourrait être
réduit par un meilleur contrôle de la pression artérielle.
•
Restriction de croissance fœtale : risque accru en cas de néphropathie ou
de pré-éclampsie.
•
Mort fœtale in utero (MFIU) :
–
Fréquence : 1 à 2 % dans les centres spécialisés.
–
Circonstances favorisantes : diabète mal contrôlé, acidocétose, macrosomie,
hydramnios, dans les dernières semaines de la grossesse.
–
Son étiologie n’a jamais pu être précisée mais sa relation avec le contrôle
du diabète a permis de prendre des mesures préventives.
–
Les autres causes de MFIU sont liées aux malformations et à la restriction
de croissance fœtale.
Certaines complications sont secondaires aux malformations congénitales, à
la macrosomie ou à la prématurité.
La prématurité est la source la plus importante de morbidité néonatale et à
long terme.
Les autres complications sont :
•
les troubles métaboliques : l’hypoglycémie est très fréquente (20–25 %). D’autres
troubles métaboliques peuvent être constatés : hypocalcémie, polyglobulie avec
hyperviscosité sanguine, hyperbilirubinémie ;
•
les détresses respiratoires : l’hyperinsulinisme fœtal est responsable d’un
retard de maturation pulmonaire ;
•
la myocardiopathie hypertrophique transitoire (avec élargissement du septum
interventriculaire), le plus souvent asymptomatique, peut parfois entraîner une
insuffisance cardiaque régressive.
Le risque de développer un diabète dans les 30 premières années de la vie
est de l’ordre de 1 % (risque multiplié par 5 à 10 par rapport à un enfant de
mère non diabétique). Si le père a un diabète de type 1, le risque passe à 6 %,
et à 20 % si les deux parents ont un diabète de type 1.
Une programmation efficace de la grossesse commence par une maîtrise de la
conception, afin que celle-ci survienne dans un contexte optimisé. La
contraception doit donc être systématiquement abordée en consultation avec les
patientes diabétiques.
•
Diminuer le risque de malformations.
• Faire un bilan maternel :
– rétinographie, fond d’œil,
– pression artérielle,
–
créatinine plasmatique, clairance de la créatinine, microalbuminurie,
protéinurie. La présence d’une protéinurie doit faire craindre l’existence d’une
néphropathie diabétique, qui aggrave considérablement le pronostic fœtal. Les
facteurs de mauvais pronostic sont une protéinurie > 1 g/24 h et une
clairance de la créatinine < 60 mL/min,
–
une coronaropathie non revascularisée contre-indique une grossesse.
•
Contrôle du diabète. L’objectif à atteindre (ce n’est pas toujours
possible) est d’obtenir des glycémies < 0,95 g/L avant le repas et 1,20 g/L
deux heures après les repas. L’atteinte des objectifs est appréciée sur l’autocontrôle
(6 par jour : 3 fois préprandiales, 3 fois post-prandiales). Les méthodes qui
permettent d’approcher le bon contrôle du diabète sont l’équilibre diététique
et la multiplication des injections d’insuline dans le nycthémère (3 à
4 par jour) ou la pompe à insuline sous-cutanée. Deux éléments sont
fondamentaux pour la bonne application de ces méthodes : un enseignement de
haute qualité dispensé par diabétologues, infirmières, diététiciennes, de
préférence dans un centre habitué à la grossesse diabétique ; la motivation de
la patiente.
• Supplémentation en acide folique.
• Selon le bilan préconceptionnel :
–
traitement hypotenseur : arrêt des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et
sartans qui seront relayés au cas par cas par d’autres agents hypotenseurs :
inhibiteurs calciques (nifédipine, nicardipine), alphaméthyldopa, labétalol,
– avis néphrologique si besoin,
– arrêt des statines,
– photocoagulation d’une rétinopathie proliférative.
•
La surveillance diabétologique doit être fréquente : une consultation tous
les 15 jours en moyenne, qui peut être espacée s’il existe des consultations
téléphoniques et/ou un système de transmission des données.
•
La surveillance métabolique repose sur les glycémies capillaires qui
doivent être réalisées avant les repas, 1 ou 2 heures après les repas ainsi qu’au
coucher.
• Les besoins en insuline diminuent habituellement au premier trimestre et augmentent fortement bien que progressivement à partir de 17–20 SA du fait de l’insulinorésistance. Ils reviennent aux besoins préconceptionnels après l’accouchement.
Le suivi obstétrical mensuel sera assuré par un médecin qui pourra s’adjoindre
le concours de sages-femmes pour la réalisation de certains actes de
surveillance.
Points importants :
•
dépistage des complications obstétricales : hydramnios, HTA, pré-éclampsie,
infection urinaire ;
•
l’apparition d’une pré-éclampsie indique l’hospitalisation ;
• surveillance échographique trimestrielle ;
•
surveillance renforcée de la vitalité fœtale à partir de 32 SA par les
enregistrements répétés du rythme cardiaque fœtal ;
• estimation pondérale fœtale en fin de grossesse pour choisir la voie d’accouchement. L’estimation pondérale fœtale est imprécise (± 15 %).
•
Centre périnatal adapté et travaillant en étroite collaboration avec les
diabétologues. Privilégier la proximité et tenir compte des contraintes de l’implantation
régionale des structures de soin.
•
Procédures spécifiques à la prise en charge des femmes diabétiques avant,
pendant et après l’accouchement.
• Accouchement programmé vers 38–39 SA.
•
Mode d’accouchement (déclenchement ou césarienne) choisi en fonction de la
suspicion d’une macrosomie et de critères obstétricaux (présentation, col,
bassin, localisation placentaire).
• Taux.
• Il doit être encadré par une perfusion intraveineuse d’insuline couplée à une perfusion de sérum glucosé à 10 %. Des contrôles glycémiques horaires seront effectués pour maintenir l’euglycémie.
•
L’enfant doit être surveillé pour dépister et traiter les complications
néonatales.
•
Les doses d’insuline maternelles sont réduites aux doses
préconceptionnelles.
•
L’allaitement maternel peut être envisagé sans restriction.
•
La contraception avant le retour de couches peut être locale ou orale par
microprogestatifs ; une contraception adaptée doit être envisagée dès le retour
de couches ou après 2 mois : DIU au mieux, contraception orale
œstroprogestative faiblement dosée ou progestative selon l’ancienneté du
diabète, l’existence de complications dégénératives, d’une obésité, d’une HTA,
d’une dyslipidémie ou d’un tabagisme associés.
Le diabète de type 2 est trop banalisé, d’où un risque périnatal
particulièrement élevé. Il s’agit souvent de femmes plus âgées, multipares,
souvent obèses. La prévalence du diabète de type 2 augmente, notamment
chez les jeunes. Trente à 40 % des diabètes de type 2 sont méconnus. Le suivi
est souvent insuffisant et l’adhésion des patientes médiocre.
En dehors des complications dégénératives qui sont rares, les autres
complications maternelles et fœtales sont identiques à celles du diabète de
type 1.
La fréquence de l’HTA est plus élevée.
Les principes de traitement sont calqués sur ceux du diabète de type 1.
La prise en charge préconceptionnelle est ici encore très importante, bien
que souvent impossible.
L’autosurveillance glycémique est fondamentale.
Il faudra arrêter les antidiabétiques oraux (ADO) et débuter une insulinothérapie. Un début de grossesse sous ADO ne justifie pas à lui seul une interruption médicale de grossesse. Des doses élevées d’insuline sont souvent nécessaires du fait de l’insulinorésistance importante. Elle pourra être arrêtée à l’accouchement.
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Points clés
•
Contraception efficace et adaptée des femmes diabétiques.
•
Objectif principal : obtenir une normoglycémie de la conception à l’accouchement.
•
Programmation préconceptionnelle : bilan des complications dégénératives,
optimisation de l’insulinothérapie pour viser la normoglycémie, acide folique.
•
Principales complications périnatales (malformations congénitales,
prématurité, macrosomie, hypoglycémies néonatales) corrélées à l’hyperglycémie
maternelle.
• Suivi multidisciplinaire et interactif.
•
Accouchement dans un environnement périnatal adapté.
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Bismuth E, Bouche C,
Caliman C, Lepercq J, Lubin V, Rouge D, et al. Management of
pregnancy in women with type 1 diabetes mellitus :
guidelines of the French-Speaking Diabetes Society (Société francophone du
diabète [SFD]). Diabetes Metab 2012 ; 38 : 205–16.
Guideline Development Group. Management of diabetes from preconception to the postnatal period : summary of NICE guidance. BMJ 2008 ; 336 : 714–7.