I.
Principaux troubles psychiques de la grossesse
et du post-partum
II.
Facteurs de risque permettant de craindre
la survenue de troubles psychiques de la grossesse et du post-partum
III.
Conduite à tenir en cas de troubles psychiques
de la grossesse et du post-partum
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Objectifs pédagogiques
Dépister les facteurs de
risque prédisposant à un trouble psychique de la grossesse ou du
post-partum.
Reconnaître les signes
précoces d’un trouble psychique en période anténatale et post-natale.
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Ces troubles sont généralement moins fréquents que dans le post-partum,
mais la grossesse ne protège pas de la décompensation de pathologies
psychiatriques chroniques.
On peut cependant observer différents troubles en fonction des périodes de
la grossesse :
•
au cours du 1er trimestre :
–
des troubles du caractère avec irritabilité, labilité émotionnelle,
–
des symptômes dépressifs fréquents (10–20 % des grossesses),
–
des manifestations mineures d’angoisse (angoisse d’enfant malformé,
angoisse d’enfant mort-né, angoisse du déroulement de l’accouchement, etc.),
–
des troubles du comportement alimentaire à type de boulimie ou d’envies,
–
des nausées, vomissements ou hypersialorrhée.
•
au cours du dernier trimestre :
–
une anxiété concernant l’état de l’enfant, l’accouchement,
– des symptômes dépressifs,
– une insomnie.
Les pathologies qui surviennent
au cours de la grossesse sont :
•
les dépressions anténatales assez
fréquentes (7–13 % des grossesses). Leur intensité est modérée ; elles
surviennent préférentiellement au 1er trimestre de la grossesse et
sont plus fréquentes en cas de grossesse non désirée ou en cas de conflit
conjugal ;
•
les épisodes délirants dans le cadre d’un trouble schizophrénique (5 000
enfants en France naissent chaque année d’un parent psychotique).
Le post-partum
blues (ou baby blues, ou maternity blues) concerne selon les
auteurs 50 à 80 % des accouchées.
Il associe, dans les tous premiers jours après l’accouchement : pleurs,
irritabilité, labilité émotionnelle, dysphorie, troubles du sommeil, fatigue et
anxiété.
Les crises de larmes, la susceptibilité, la crainte d’être délaissée
surprennent et déroutent l’entourage, surtout lorsque l’accouchement s’est bien
déroulé. Les préoccupations anxieuses du début de la grossesse réapparaissent,
souvent associées à l’idée obsédante de ne pas savoir s’occuper du bébé. Ce
tableau, très fréquent, n’est pas pathologique. Il s’explique probablement par
les réaménagements affectifs et cognitifs liés à l’accouchement, par le deuil
de la grossesse, et la confrontation avec l’enfant réel.
Ce trouble est transitoire, il survient dans les jours qui suivent l’accouchement.
Réduit parfois à quelques heures, il dure habituellement 4 à 5 jours. Seule la
sévérité du post-partum blues ou la
persistance des symptômes après la première semaine peuvent amener à proposer
une consultation à distance pour dépister une éventuelle dépression du
post-partum. Il est donc important de dépister le baby blues et de le surveiller.
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Traitement du post-partum blues
Le post-partum blues ne nécessite
pas de traitement médicamenteux. La relation avec les soignants, la
revalorisation des fonctions maternelles de la mère, la mobilisation de l’entourage,
l’information, une attitude chaleureuse et compréhensive suffisent le plus
souvent pour passer sans encombre une phase considérée comme non pathologique
voire physiologique.
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La dépression du post-partum touche près de 13 % des femmes accouchées, le
post-partum ayant la particularité d’être la période à risque maximale de
dépression chez la femme. Cette période est une période de stress
environnemental liée aux modifications biologiques brutales survenant en
post-partum chez la femme. C’est le plus souvent leur premier épisode dépressif
ou la décompensation d’un trouble dépressif récurrent ou d’un trouble bipolaire
connu. Ces épisodes dépressifs sont de sévérité variable de la dépression
modérée à un tableau de mélancolie délirante.
La dépression post-natale a la particularité de débuter avant la 6e
semaine (selon la CIM-10) après l’accouchement. Elle se manifeste par un
tableau classique de syndrome dépressif auquel s’ajoutent quelques
particularités cliniques telles qu’une aggravation vespérale, une labilité
émotionnelle, une irritabilité voire agressivité plus qu’une tristesse, des
difficultés marquées d’endormissement entraînant un épuisement, une perte d’estime
du maternage, et une anxiété centrée sur le bébé. Le diagnostic est souvent
difficile à porter car la forte culpabilité (« J’ai tout pour être heureuse »)
et l’aspect quelque peu atypique du tableau dépressif rendent le diagnostic et
l’acceptation de la prise en charge parfois difficiles. Ainsi, seulement la
moitié des patientes présentant cette dépression seraient reconnues par le
médecin généraliste ou par les autres personnels de santé.
La perte d’estime du maternage et l’impression d’être incapable de répondre
aux besoins de l’enfant sont des signes d’alerte et de sévérité de l’épisode.
Un tableau de dépression mélancolique délirante peut plus rarement survenir
dans les semaines qui suivent l’accouchement avec la conviction délirante d’«
être indigne ou d’être responsable de la mort présumée de l’enfant » qui
atteste la gravité de l’état. Le risque suicidaire ou le risque d’infanticide
doit être rigoureusement évalué : une hospitalisation en milieu spécialisé doit
éventuellement être imposée.
Dans la moitié des cas, la dépression post-natale guérit spontanément la
première année, mais le risque de rechute dépressive après une grossesse
ultérieure est supérieur à 25 %. Certaines de ces patientes referont
ultérieurement des accès thymiques, cette dépression du post-partum étant la
première manifestation d’un trouble bipolaire ou d’un trouble dépressif
récurrent qui ultérieurement évoluera pour son propre compte et justifiera donc
une prophylaxie spécifique.
Il est à noter que dans les cas de troubles dépressifs sévères du
post-partum, le recours à une unité d’hospitalisation conjointe mère-enfant est
actuellement recommandé.
Le post-partum blues se termine
au maximum vers le 7e jour après l’accouchement. Le diagnostic de
dépression doit être envisagé en cas de prolongation des symptômes au-delà ou d’intensification,
notamment avec l’apparition d’une humeur labile, d’un sentiment de
découragement, de plaintes somatiques insistantes (céphalées, douleurs
abdominales), mais surtout de phobies d’impulsion, de crainte de faire du mal
au bébé, d’évitement du contact.
Initialement, ces patientes consultent peu et ont tendance à s’isoler.
Dans leurs antécédents, on retrouve souvent des dépressions avant la
grossesse ou durant la grossesse. En dehors de cette vulnérabilité biologique,
on retrouve fréquemment une enfance empreinte de carences affectives, de
séparations précoces et une grossesse émaillée d’évènements douloureux (deuils,
séparations) ou de conditions psychologiques difficiles (solitude, conflits
conjugaux, soutien conjugal insuffisant ou inadéquat). Il est donc important, lorsque
de tels éléments ont été repérés au cours de la grossesse, de prévoir un suivi
rapproché.
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Traitement des dépressions du post-partum
La dépression du post-partum est peu diagnostiquée et prise en charge,
malgré les conséquences délétères pour la mère, et surtout sur le développement
cognitif, émotionnel et social des enfants. Une prise en charge précoce et en
ambulatoire est le plus souvent suffisante. Les patientes doivent pouvoir
bénéficier d’une psychothérapie (de soutien ou thérapie cognitive et
comportementale) associée le plus souvent à un traitement médicamenteux
antidépresseur (inhibiteur de la recapture de la sérotonine).
On doit prendre en compte leur souhait d’allaiter et les soutenir dans leur
choix (adaptation du traitement médicamenteux).
On doit également surveiller l’apparition d’idées noires et suicidaires et
envisager si nécessaire une hospitalisation si possible en unité spécialisée
mère enfant.
L’entourage doit être reçu en consultation pour être informé et leur
permettre ainsi de soutenir au mieux la patiente et de pallier d’éventuelles
difficultés de maternage.
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Elle survient le plus souvent dans la semaine qui suit la naissance chez
des femmes sans aucun antécédent psychiatrique. Les accès survenant plus
tardivement (1–2 mois) sont cliniquement moins typiques de plus mauvais pronostic
et révèlent plus fréquemment un trouble schizophrénique.
Son incidence est de 1 à 2 femmes parturientes sur 1 000. C’est une urgence
psychiatrique.
Le tableau clinique comporte :
•
une obnubilation, voire réelle confusion mentale avec désorientation
temporo-spatiale et un onirisme ;
•
une activité délirante polymorphe mais essentiellement centrée sur la
grossesse (déni) ou sur l’enfant (thème d’enfantement, négation de l’enfant,
filiation extraordinaire, etc.) ;
•
une grande fluctuation de l’humeur ;
•
un risque suicidaire ou d’infanticide (+++) ;
•
une variabilité du tableau clinique dans le temps.
Les psychoses puerpérales réagissent bien à un traitement antipsychotique
qui doit être instauré précocement en milieu hospitalier.
L’évolution à long terme est variable :
• accès reste isolé ;
•
ou récidives lors de grossesses ultérieures (20 à 30 %) ;
•
évolution vers une maladie maniaco-dépressive (70%) ;
• évolution vers une schizophrénie (10 %).
La pathogénie est plurifactorielle :
•
antécédents psychiatriques personnels ou familiaux de trouble bipolaire ou
de psychose puerpérale ;
•
modifications hormonales (chute des œstrogènes potentiellement impliquée).
Il concerne 1,5 à 3 % des parturientes à 6 mois de l’accouchement. Les femmes
peuvent subjectivement vivre leur accouchement comme une menace vitale pour
elle-même ou pour leur enfant, associé à des émotions négatives de peur intense
et de perte de contrôle. Le trouble associe flash-back (souvenirs intrusifs),
évitement des situations ayant un rapport avec l’accouchement traumatique et
hypervigilance émotionnelle. Une comorbidité dépressive est fréquente en
post-partum (44,5 % à un mois et 43 % à 4 mois).
Il faut les identifier en début de grossesse, en cas d’événements
pathologiques gravidiques et au moment de l’accouchement. L’entretien précoce
maintenant obligatoire (plan périnatalité), dit « entretien du 4e
mois », doit permettre de repérer ces facteurs de risque.
Les facteurs de risque impliqués dans la survenue de troubles
psychiatriques en post-partum sont multiples. La période périnatale est en
effet une période de stress marquée par des changements psychosociaux et
psychodynamiques, des facteurs de stress gynécologiques ou obstétricaux et des
changements biologiques (endocriniens et sérotoninergiques) auxquels la femme
doit s’adapter rapidement. Les facteurs de risque les plus souvent rapportés
sont la dépression durant la grossesse, les antécédents personnels ou familiaux
de dépression, et les évènements de vie stressants récents survenant durant la
grossesse qu’ils soient d’ordre traumatique ou socio-démographique (problèmes
professionnels ou financiers, relationnels) non spécifiques au péripartum ou en
lien avec des difficultés obstétriques durant la grossesse ou l’accouchement.
On recherchera :
• en début de grossesse :
•
antécédents psychiatriques personnels ou familiaux,
•
antécédents à risque pour le fœtus ou la grossesse (maladie héréditaire,
diabète, HTA, etc.),
•
antécédents obstétricaux pathologiques : mort in utero, malformations
fœtales, IMG, enfant de petits poids, enfants hospitalisés longtemps, enfants
porteurs d’un handicap sévère,
•
troubles psychiatriques au cours de la grossesse ou du post-partum,
•
séparation de la famille, parent isolé,
• situation de conflit conjugal,
•
grossesse non désirée, non suivie.
•
au cours de la grossesse :
•
dépression anténatale ou manifestations anxieuses marquées,
•
découverte de malformations ou d’anomalies faisant craindre une
malformation,
• grossesse pathologique,
•
éloignement familial, un évènement de vie difficile (deuil, séparation,…).
• après la naissance :
•
difficultés d’accouchement, morbidité maternelle sévère,
• morbidité néonatale,
•
séparation mère-enfant (enfant transféré, etc.).
La prise en charge est pluridisciplinaire (obstétriciens, psychiatres,
pédopsychiatres, pédiatres, etc.).
En post-partum, on peut avoir recours à plusieurs systèmes de prise en
charge :
•
hospitalisation dans des unités mère-bébé ou en psychiatrie,
•
accueil de jour qui permet un travail avec des psychiatres, psychologues et
infirmières psychiatriques sur la relation mère-enfant,
•
suivi en consultation externe psychiatrique régulier.
Dans certaines situations, la sévérité de la symptomatologie pourra
justifier la séparation de l’enfant, surtout lorsqu’il existe un risque
suicidaire ou d’infanticide.
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Points clés
•
Le post-partum blues n’est pas
pathologique et concerne plus de 50 % des accouchées, entre le 3e et
le 6e jour après l’accouchement.
•
Les syndromes dépressifs sont fréquents pendant la grossesse (10 % des
grossesses).
•
Les dépressions du post-partum sont plus fréquentes (11 à 15 %). L’impact
des troubles dépressifs du post-partum sur le développement psychique, cognitif
et moteur de l’enfant n’est pas négligeable. Il est nécessaire de faire le
diagnostic précocement et de prendre en charge correctement ces patientes.
•
La psychose puerpérale confuso-délirante survient le plus souvent dans la
semaine qui suit la naissance avec 20 % de récidives lors de grossesses
ultérieures. C’est le plus souvent le premier épisode d’un trouble bipolaire.
•
Les principaux facteurs de risque des troubles psychiques de la grossesse à
rechercher sont les antécédents psychiatriques personnels ou familiaux, les
antécédents obstétricaux pathologiques, toute pathologie sévère de la grossesse
et un contexte social ou familial difficile ou conflictuel.
•
Il existe plusieurs alternatives pour la prise en charge pluridisciplinaire
: consultation psychiatrique spécialisée, hospitalisation dans des unités mère-bébé,
hospitalisation en psychiatrie.
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