I. Pour comprendre
II. Étiopathogénie
III. Bactériurie asymptomatique
IV. Formes à symptomatologie basse
V. Formes à symptomatologie haute
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Objectifs pédagogiques
Diagnostiquer une infection
urinaire au cours de la grossesse.
Connaître les potentielles
mais graves complications materno-fœtales.
Organiser une prise en charge
thérapeutique adaptée à chaque forme clinique.
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L’infection du parenchyme rénal et ou des voies excrétrices, traduite par
la présence de germes dans les urines est l’infection la plus fréquente pendant
le grossesse (10 % des femmes enceintes), peut être à l’origine de
complications materno-fœtales potentiellement graves.
La fréquence de formes latentes, asymptomatiques, doit faire discuter la
légitimité de leur dépistage systématique.
Le diagnostic repose sur l’examen cytobactériologique des urines (ECBU), c’est-à-dire
la rigueur avec laquelle il doit être pratiqué.
La prise en charge thérapeutique doit être urgente et adaptée pour éviter
les complications materno-fœtales. La pratique de l’antibiogramme est
indispensable au traitement.
• Facteurs mécaniques :
– Compression par l’utérus gravide :
–
Étirement des uretères qui peut favoriser un reflux vésico-urétéral.
–
de la vessie responsable d’une mauvaise vidange vésicale et d’un résidu
post-mictionnel,
–
des uretères, à l’origine d’une stase urinaire et notamment au niveau de l’uretère
droit par dextrorotation utérine physiologique (pyélonéphrite plus fréquente à
droite),
• Facteurs hormonaux :
–
la progestérone inhibe le péristaltisme des voies urinaires et diminue le
tonus sphinctérien urétro-vésical ce qui favorise le reflux et la stagnation
des urines,
–
les œstrogènes sont responsables d’une hyperhémie du trigone, favorisant l’adhérence
des germes sur l’urothélium.
• Facteurs chimiques :
– alcalinisation des urines,
–
glycosurie physiologique (par diminution du seuil rénal de résorption du glucose),
–
augmentation de la pullulation microbienne vulvo-périnéale et brièveté de l’urètre
féminin.
•
Autres facteurs favorisants selon le terrain :
– malformation des voies urinaires,
– diabète maternel,
– antécédent d’infections urinaires,
– infections cervico-vaginales.
•
Bacilles à Gram négatif : Escherichia
coli (75 %), Proteus mirabilis, Klebsiella pneumonia, Serratia ou Enterobacter.
•
Cocci à Gram positif sont plus rarement en cause : entérocoque,
streptocoque B, staphylocoque doré.
Elle complique 5 à 10 % des grossesses et peut survenir dès le début de la
grossesse.
La définition est bactériologique :
•
la numération des leucocytes est > à 10 000/mL,
•
la numération des germes est > à 100 000/mL.
Circonstances de découverte :
•
lors d’un ECBU demandé à titre systématique ;
•
lors d’un ECBU demandé pour :
– notion de facteurs favorisants,
–
protéinurie/nitrite à la bandelette urinaire,
– menace d’accouchement prématuré,
– hypotrophie fœtale.
Le traitement associe :
•
une antibiothérapie par voie orale pendant 5 jours :
–
amoxicilline (Clamoxyl® 1 g × 3 par jour en sachant que 30 % des E. coli sont résistants,
– amoxicilline-acide clavulanique (Augmentin®),
–
céphalosporines de 3e génération : céfixime (Oroken®), 2
comprimés à 200 mg par jour,
–
les traitements courts de 3 jours ou en dose unique ne sont pas recommandés
(AFSSAPS 2008),
•
des règles hygiéno-diététiques : boissons abondantes (2 litres par jour),
mictions fréquentes et après les rapports sexuels, bonne hygiène périnéale (s’essuyer
d’avant en arrière après être allé aux toilettes).
Un traitement adapté permet une évolution favorable mais les récidives sont
à craindre. La surveillance comporte un examen cytobactériologique des urines.
En l’absence de traitement, deux risques sont redoutés : l’évolution vers
une cystite voire une pyélonéphrite aiguë et la survenue d’une menace d’accouchement
prématuré.
Elles évoquent l’atteinte infectieuse du bas appareil mais n’excluent pas
celle du haut appareil.
Le diagnostic sera évoqué en présence de signes fonctionnels urinaires :
•
pollakiurie variable, moins significative pendant la grossesse ;
•
brûlure mictionnelle, surtout en fin de miction avec besoin impérieux ;
• pesanteur pelvienne ;
• urines troubles ;
• hématurie possible ;
• ± contractions utérines.
En l’absence de signes évocateurs de pyélonéphrite :
• apyrexie ;
• absence de frissons ;
•
absence de douleur lombaire spontanée ;
•
absence de douleur à la palpation des fosses lombaires ;
•
et un bilan biologique maternel normal (numération formule sanguine, CRP,
fonction rénale).
Le diagnostic de certitude repose sur l’examen cytobactériologique des
urines avec antibiogramme. L’examen doit être réalisé le matin après une
toilette vulvo-périnéale en recueillant l’urine de milieu de jet dans un
récipient stérile :
•
le seuil de leucocyturie retenu comme pathologique est fixé à ≥ 10
000/mL ;
•
le seuil de la bactériurie tient compte de la forme clinique et de l’espèce
bactérienne > 100 000 germes/mL ; > 1 000 E. coli/mL.
Le risque est qu’elles soient occultées car rapportées aux troubles
vésicaux ordinaires de la femme enceinte ; avoir la prescription facile d’un
ECBU :
•
des fuites d’urine évoquant à tort une incontinence d’effort ;
• des brûlures mictionnelles fugaces ;
• une pyurie intermittente ;
• une pollakiurie ébauchée.
•
L’antibiothérapie, prescrite par voie orale, sera initialement
probabiliste, avec au choix :
–
amoxicilline (Clamoxyl®) 2 grammes par jour pendant 7 jours mais résistance
à E. coli > 30 %,
–
cefixime (Oroken®) 200 mg × 2/jour pendant 7 jours,
–
nitrofurane (Furadantine®) 1 à 2 gélules × 3/jour pendant 7 jours,
–
les traitements en dose unique par fosfomycine-trometamol (Monuril®,
Uridoz®) ne sont pas recommandés (AFSSAPS 2008).
• Mesures hygiéno-diététiques :
– boissons abondantes, mictions fréquentes,
–
traitement d’une éventuelle constipation associée,
– bonne hygiène périnéale,
– vêtements larges,
– uriner après rapport sexuel.
•
Concernant les traitements prophylactiques par nitrofurantoïne, connaître
les recommandations de l’AFSSAPS de mars 2011 :
–
ne plus initier de traitement prophylactique par nitrofurantoïne,
–
chez les patients déjà traités, information de risque potentiel de survenue
d’effets indésirables graves pulmonaires (pneumopathies interstitielles,
fibrose) et hépatiques (cytolyse, hépatite chronique active, cirrhose)
réalisation d’un bilan hépatique tous les 3 mois pendant la durée du traitement,
– surveillance :
– complications possibles :
–
ECBU 48 heures après la fin du traitement,
–
bandelette urinaire hebdomadaire (recherche leucocytes, nitrites) (Uritest
2®) et ECBU mensuel,
–
risque d’évolution vers une pyélonéphrite (savoir l’évoquer si apparition d’une
fièvre ou de douleurs lombaires),
–
survenue d’une menace d’accouchement prématuré (mesure de la longueur du
col par échographie endovaginale).
Elles traduisent l’atteinte infectieuse du parenchyme rénal.
Elle complique 1 à 2 % des grossesses et représente la première cause de
fièvre chez la femme enceinte.
La symptomatologie débute brutalement, le plus souvent bruyante, associant
:
• fièvre ± frissons ;
•
signes fonctionnels urinaires (pollakiurie, brulures urinaires) ;
•
douleur lombaire unilatérale, le plus souvent à droite, avec une douleur
provoquée à la palpation de la fosse lombaire et sur le trajet urétéral.
•
Formes à début progressif sur quelques jours.
•
Les signes sont peu intenses : simple fébricule, endolorissement lombaire
modéré, vagues brûlures mictionnelles.
•
La fièvre est isolée, souvent intermittente.
• Hématurie fébrile.
•
Aspects pseudo-appendiculaire, pseudo-cholécystique, pseudo-colitique,
surtout lorsque existent des signes digestifs d’accompagnement.
Le bilan doit comporter :
•
un bilan sanguin maternel comportant : NFS, plaquettes, CRP, fonction
rénale, glycémie) qui montre une hyperleucocytose taux supérieur ou égal à 15
000 globules blancs/mm3 et une augmentation de la CRP (marqueur de l’inflammation)
;
•
des hémocultures × 3 si température > 38 °C ou si frissons ;
• un ECBU ;
•
une échographie rénale et des voies urinaires avec doppler des jets
urétéraux est systématiquement demandée pour éliminer un obstacle sur les voies
excrétrices urinaires recherchant une dilatation massive des cavités
pyélo-calicielles (urgence urologique), abcès rénal.
•
3 clichés d’urographie intraveineuse seront demandés dans certaines
situations :
–
persistance de la fièvre ou de la douleur sous traitement à la recherche d’un
obstacle et permettre le drainage,
–
rechute rapide de pyélonéphrite sous traitement bien conduit,
–
malformation réno-urinaire connue ou antécédent de chirurgie urologique,
– tableau de septicémie.
L’hospitalisation est obligatoire dans un service de grossesses
pathologiques pour permettre le traitement par voie intraveineuse.
Le traitement repose sur une antibiothérapie à bonne diffusion urinaire,
bactéricide pour les germes suspectés (bacilles à Gram négatif), démarrée après
réalisation des prélèvements bactériologiques et adaptée secondairement au
germe en cause et au résultat de l’antibiogramme.
Antibiothérapie par voie injectable de première intention jusqu’à l’obtention
de 48 heures : monothérapie par ceftriaxone (Rocéphine®) 2 grammes par jour en
IV ou céfotaxime (Claforan®) 1 g × 3/24 heures. Bithérapie avec un aminoside
dans les formes graves : gentamicine, 3 mg/kg/24 heures. Les macrolides ayant
une mauvaise diffusion urinaire ne sont pas indiqués.
Un ECBU de contrôle 48 heures après le début du traitement est recommandé
(une non-stérilisation des urines doit faire évoquer une anomalie des voies
urinaires).
Relais par voie orale : cefixime (Oroken®) 2 comprimés à 200 mg par jour ou
amoxicilline (Clamoxyl®) en fonction de l’antibiogramme. Durée totale de l’antibiothérapie
: 15 à 21 jours.
Un traitement tocolytique pendant 48 heures par antagoniste de l’ocytocine
(Atosiban®) sera mis en place si risque d’accouchement prématuré (présence de
contractions utérines douloureuses, longueur cervicale < à 25 mm mesurée à l’échographie
par voie endovaginale).
Corticothérapie anténatale pour maturation pulmonaire fœtale : 2 injections
de bêtaméthasone 12 mg IM à 24 heures d’intervalle et transfert in utero se
discutent selon la gravité de la menace d’accouchement prématuré et le terme de
survenue de la pyélonéphrite.
•
Paracétamol 1 g toutes les 6 heures à visée antalgique et antipyrétique.
•
Hydratation maternelle : 2 litres par 24 heures.
•
Prévention des complications thrombo-emboliques : bas de contention.
•
Information éclairée des parents, rencontre avec les pédiatres.
• Règles hygiéno-diététiques.
•
Clinique : fièvre, frissons, douleurs lombaires, contractions utérines,
mouvements actifs et bruits du cœur du fœtus, diurèse des 24 heures, tamisage
des urines.
•
Biologique : numération formule sanguine, CRP, ionogramme, créatininémie.
•
Étude du bien-être fœtal par l’analyse du rythme cardiaque (2 fois par
jour) et échographie-Doppler.
• Bactériologique :
–
contrôle systématique de l’ECBU 48 heures après le début du traitement,
second contrôle dans les 7 à 10 jours après l’arrêt du traitement puis 1 fois
par mois jusque l’accouchement,
–
bandelette urinaire toutes les semaines (Uritest 2®) jusqu’à l’accouchement.
• Complications maternelles :
–
récidive en fin de grossesse, suites de couches ou ultérieurement en
différentiant la rechute (germe identique obligeant à évoquer un foyer
parenchymateux ou un obstacle) d’une réinfection (autre germe),
–
septicémie et choc septique (obstacle et bacille Gram négatif),
– abcès rénal,
–
néphrite interstitielle chronique avec apparition progressive d’une
insuffisance rénale chronique et d’une hypertension artérielle.
• Complications fœtales :
– accouchement prématuré,
–
hypotrophie fœtale en cas d’infection chronique asymptomatique,
–
infection néonatale possible in utero par voie hématogène ou au cours de l’accouchement
par contage direct,
–
augmentation de la mortalité périnatale par infection et prématurité.
• À l’accouchement :
–
prélèvements bactériologiques périphériques du nouveau-né et du placenta si
l’accouchement survient immédiatement au décours de la pyélonéphrite,
–
consultation néphrologique à 3 mois du post-partum en cas de récidives
survenues au cours de la grossesse.
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Points clés
•
Les infections urinaires sont fréquentes : 10 % des femmes enceintes.
•
Il peut s’agir de bactériurie asymptomatique, de cystites ou de
pyélonéphrites.
•
Le principal risque est celui d’accouchement prématuré (20 %), surtout en
cas de pyélonéphrites.
•
Les principaux germes sont des germes : Gram -, Escherichia coli et plus rarement Proteus mirabilis (rechercher une lithiase
phospho-amoniaco-magnésienne).
•
Le traitement de la pyélonéphrite comporte une antibiothérapie par voie IV,
puis après 48 heures d’apyrexie durable un relais per os pendant 2 à 4
semaines.
•
En l’absence d’amélioration (douleurs, hyperthermie persistante) en dépit d’une
antibiothérapie adaptée, il faudra envisager le drainage d’un obstacle.
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