Chapitre 21 Infections génitales de la femme. Leucorrhées

            Leucorrhées

I.       Pour comprendre

II.    Rappels

III. Conduite de l’examen d’une femme consultant pour des leucorrhées anormales

IV. Étiologies des leucorrhées pathologiques et choix thérapeutiques

            Salpingites (infection génitale haute)

I.       Pour comprendre

II.    Circonstances de survenue des IGH aiguës et les principaux germes responsables

III. Diagnostic clinique d’une IGH non compliquée

IV. Bilan initial

V.    Stratégie thérapeutique

VI. Complications à moyen et long termes

________________________________________________________________________________Leucorrhées

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Objectifs pédagogiques

*  Diagnostiquer une infection génitale de la femme.

*  Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi de la patiente.

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I Pour comprendre

Les leucorrhées correspondent à des écoulements vaginaux anormaux en rapport avec une infection génitale, basse ou haute. Elles sont à distinguer des leucorrhées physiologiques dues aux sécrétions de glaire cervicale et des glandes annexes (Skène et Bartholin) et à la desquamation vaginale. Les agents pathogènes le plus fréquemment rencontrés dans les infections génitales basses (c’est-à-dire limitées à la vulve, au vagin et à la partie externe du col utérin) sont les levures, le Trichomonas et les germes banals. Le diagnostic repose sur l’anamnèse, l’examen clinique avec le spéculum et éventuellement des prélèvements bactériologiques. On recherchera particulièrement les infections sexuellement transmissibles (IST).

Il faut savoir faire la distinction entre des leucorrhées physiologiques mais mal vécues par la patiente et des leucorrhées pathologiques dont il faudra chercher et traiter la cause.

II Rappels

A Leucorrhées physiologiques

Les leucorrhées physiologiques proviennent :

         de la desquamation vaginale, responsable de leucorrhée laiteuse, peu abondante, opalescente, augmentant en période prémenstruelle ;

         de la glaire cervicale sécrétée par les cellules cylindriques de l’endocol qui augmente du 8e au 15e jour du cycle, translucide, cristallisant en feuille de fougère.

Ces sécrétions physiologiques n’engendrent aucune irritation, sont inodores et ne contiennent pas de polynucléaires. Toutefois, leur abondance peut parfois être source de gêne pour la patiente notamment en cas d’ectropion cervical.

Par ailleurs, le comportement compulsif d’hygiène intime excessive avec des savons détergents, voire des injections intra vaginales quotidiennes devant ces sécrétions physiologiques, peut entraîner une destruction de l’écosystème vaginal et favoriser la survenue d’infections génitales basses souvent chroniques.

B Écosystème vaginal

Le vagin est un écosystème dynamique où chaque femme possède de nombreux micro-organismes en équilibre. La flore dominante est le bacille de Döderlein : lactobacille tapissant la muqueuse vaginale. Il transforme le glycogène abondamment contenu dans les cellules vaginales et cervicales grâce à l’imprégnation œstrogénique en acide lactique. Cet acide lactique explique le pH acide du vagin qui est un facteur protecteur de la pullulation microbienne.

Cette flore vaginale évolue selon :

         l’âge : moins de bacilles de Döderlein avant la puberté et après la ménopause ;

         le cycle : les aérobies diminuent avant et après les règles ;

         la contraception : en cas de stérilet, on constate une augmentation des anaérobies.

Cette flore aéro-anaérobie équilibrée s’oppose à l’adhérence et à la colonisation des germes pathogènes dans le vagin et à la prolifération des espèces minoritaires (anaérobies et Candida albicans).

III Conduite de l’examen d’une femme consultant pour des leucorrhées anormales

A Interrogatoire

Il renseigne sur :

         les caractéristiques de l’écoulement :

        la couleur, l’abondance, l’odeur (une mauvaise odeur oriente vers une vaginose bactérienne),

        l’importance du caractère récent de cet écoulement ;

         les signes fonctionnels d’accompagnement :

        le prurit oriente vers une mycose, la brûlure vers un Trichomonas ou un germe banal,

        les métrorragies associées et/ou les douleurs pelviennes orientent vers une infection génitale haute (IGH) ou une pathologie cervicale ;

         les circonstances de survenue :

        après un traitement antibiotique (mycose),

        lors d’une grossesse (physiologique, mycose),

        port d’un stérilet (vaginose bactérienne, IGH),

        terrain favorisant (diabète, corticothérapie, immunodépression),

        notion d’IST, changement récent de partenaire ;

         les signes éventuels chez le partenaire (rougeur, brûlure, écoulement, irritation).

B Examen clinique

L’inspection de la région vulvaire, vestibulaire et périnéale recherchera une inflammation vulvaire, des lésions de grattage, des vésicules ou des ulcérations.

1 Examen au spéculum

L’examen au spéculum permettra d’analyser l’écoulement (aspect, abondance, couleur), d’apprécier l’aspect de la glaire cervicale (limpide, louche), d’évaluer l’état de l’épithélium vaginal et cervical et de réaliser des prélèvements à des fins d’examen direct au microscope et pour analyses en laboratoire. Le frottis de dépistage n’est pas optimal dans des conditions d’infection mais pourra être réalisé chez une patiente mal ou non suivie.

2 Examen direct au microscope

C’est un examen facile à réaliser et qui est très informatif. Le prélèvement est étalé sur une lame avec une goutte de sérum physiologique. On peut ainsi visualiser un trichomonas, des fragments mycéliens ou des leucocytes.

3 Test à la potasse (Sniff test)

Il consiste à ajouter sur le prélèvement étalé sur lame une goutte de potasse à 10 %. Cette potasse permet de lyser les corps cellulaires et ainsi de mieux voir les éléments mycosiques et surtout dégage une odeur de poisson pourri très évocatrice de la présence conjuguée d’anaérobies et de Gardnerella vaginalis signant une vaginose bactérienne.

4 Toucher vaginal

Le toucher vaginal recherchera une douleur à la palpation ou à la mobilisation de l’utérus et des annexes caractéristiques d’une IGH.

5 Conclusion

Les données de l’examen clinique et de l’examen direct au microscope (quand il peut être fait) suffisent dans un grand nombre de cas pour faire le diagnostic étiologique et ainsi permettre l’instauration d’un traitement.

C Indications du prélèvement vaginal adressé au laboratoire

Il n’est pas indispensable mais souvent nécessaire :

         si les signes cliniques ne sont pas typiques ;

         si l’examen direct retrouve de nombreux leucocytes sans agent identifié ;

         s’il existe des signes d’IGH ;

         en cas d’urétrite chez le partenaire ;

         en cas d’échec d’un premier traitement médical ou de récidive des symptômes ;

         si la leucorrhée a déjà motivé des consultations antérieures.

Quels types de prélèvement ?

         prélèvement vaginal standard à la recherche d’une candidose, d’une vaginose (importance du score de Nugent qui évalue la flore lactobacillaire) ou d’une vaginite ;

         recherche des IST : Chlamydia trachomatis, gonocoque ou Mycoplasma genitalium par technique d’amplification génique sur un prélèvement vaginal ;

         prélèvement endocervical en cas de suspicion d’IGH (sur milieu de transport type Portagerm®).

Le suivi post-thérapeutique ne nécessite pas de contrôle systématique par prélèvement sauf en cas de persistance des signes.

Sérologies des autres IST : il s’agit d’examens spécifiques en fonction des orientations diagnostiques et du contexte : HIV, antigène HBS, TPHA, VDRL.

IV Étiologies des leucorrhées pathologiques et choix thérapeutiques

Tout ce qui pourra perturber cet équilibre favorisera le développement d’une flore pathogène, tout ce qui modifiera l’activité sécrétoire des cellules cervicales pourra être responsable de leucorrhées pathologiques et enfin toute perte provenant du haut appareil génital (endomètre, trompes, ovaires et pelvis) se caractérisera par des leucorrhées pathologiques.

Les causes sont :

         infectieuses basses ;

         cervicites ;

         IGH : qui peuvent être compliquées d’un abcès pelvien (tubaire, ovarien ou du Douglas) ou d’une pelvipéritonite.

A Causes infectieuses (tableau 21.1)

1 Trichomonas

La vaginite à Trichomonas est de contamination vénérienne par un parasite, T. vaginalis ; elle est un bon marqueur d’IST et ainsi justifie la recherche systématique d’autres germes.

Tableau 21.1 Symptomatologie.

 

Leucorrhées

Signes locaux

Signes associés

Candida

Blanches, caséeuses

Prurit (+++++)

Vulvite (++)

Anite (++)

Pyogènes

Purulentes

Brûlures

-

Trichomonas

Vertes, spumeuses

Prurit

Brûlures

Urétrite

Odeur de moisi

Vaginose bactérienne

Grisâtres, peu abondantes

Rare prurit ou irritation

Odeur de poisson pourri (sniff-test)

 

Les leucorrhées sont verdâtres, mousseuses, spumeuses, abondantes et nauséabondes (odeur de plâtre frais). Au spéculum, le vagin est rouge, le col framboisé. Le prurit est variable en intensité, il existe souvent des brûlures au moment des rapports ou des mictions.

L’examen direct au microscope optique permet de mettre en évidence le parasite. Il n’y a pas d’intérêt à réaliser une culture.

Le traitement concerne les deux partenaires :

         soit un traitement unique de 2 g de métronidazole (Flagyl®) ;

         soit un traitement de 10 jours de 500 mg en deux prises quotidiennes de métronidazole.

2 Mycose

Le symptôme essentiel est une vulvo-vaginite prurigineuse. Intense, parfois intolérable, le prurit entraîne souvent une dysurie, voire une pollakiurie. Au spéculum, les leucorrhées sont blanches, caillebottées (comme du lait caillé), grumeleuses, tapissant les parois du vagin. La vulve est inflammatoire, œdémateuse avec de fréquentes lésions de grattage. L’extension sur le périnée postérieur est fréquente. Le vagin est rouge faisant ressortir le blanc des leucorrhées. L’examen au microscope montre des filaments mycéliens. Le Candida albicans est la levure le plus souvent retrouvée.

La prescription comprend un traitement topique à base d’un imidazolé, tel le sertaconazole (Monazol®), ou le fenticonazole (Lomexin®), en ovule vaginal en dose unique et crème (applications pendant 7 jours). Le traitement du partenaire n’est pas utile en l’absence de signes cliniques.

En cas de récidive, il faut :

         rechercher des facteurs favorisants comme une antibiothérapie, un diabète ou une grossesse ;

         éliminer une autre cause infectieuse (herpès) ;

         réaliser un mycogramme pour éliminer une résistance aux traitements ;

         envisager un traitement de longue durée per os (fluconazole) ou par voie vaginale.

3 Vaginose bactérienne (VB)

La VB est un déséquilibre de la flore vaginale caractérisé où la flore lactobacillaire est remplacée par la prolifération anormale d’autres espèces microbiennes (anaérobies essentiellement mais aussi G. vaginalis et M. hominis). Très fréquente elle est caractérisée par des pertes grises peu abondantes malodorantes.

L’examen au spéculum note peu d’irritation locale.

Au prélèvement vaginal, on note un score de Nugent élevé mais son association avec des anaérobies est facilement reconnue par le test à la potasse (Sniff-test) qui révèle, par application d’une goutte de potasse à un prélèvement sur lame, l’odeur caractéristique de poisson pourri.

La VB favorise la survenue de complications : IGH, infections postopératoire en cas de geste chirurgical par voie vaginale et complications obstétricales (menaces d’accouchement prématuré).

Le traitement comprend un traitement par métronidazole (Flagyl®) soit 2 g per os en monodose, soit 2 fois 500 mg/jour pendant 7 jours. Le traitement du partenaire est inutile car il ne s’agit pas d’une IST. Les récidives sont fréquentes et doivent faire rechercher les causes de déséquilibre de l’écosystème vaginal (traitement hormonal…).

4 Gonocoque

Hautement pathogène, il est aussi responsable d’IGH.

Les leucorrhées sont jaunes ou verdâtres, purulentes avec parfois des signes d’urétrite ou de skénite. L’examen au spéculum trouve une cervicite avec glaire purulente, les parois vaginales sont rouges, saignant au contact.

La notion d’urétrite chez le partenaire ou d’écoulement méatique doit faire penser au diagnostic.

L’examen direct permet de trouver le diplocoque Gram négatif. La recherche se fait à présent par technique d’amplification génique (PCR). De plus en plus de souches de gonocoque sont devenues multi-résistantes aux antibiotiques et le traitement (et celui systématique du partenaire) repose sur la ceftriaxone (Rocéphine®) : 1 g IM en dose unique.

5 Mycoplasme, Chlamydia

Les leucorrhées sont inconstantes mais il existe habituellement une endocervicite, parfois discrète. Chlamydia trachomatis et Mycoplasma genitalium sont des IST fréquentes chez les 15–25 ans, souvent asymptomatiques mais responsables d’IGH. il faut les rechercher systématiquement lorsqu’une IST est possible ou en cas de suspicion d’une IGH.

Le diagnostic se fait par PCR.

Les autres mycoplasmes retrouvés au niveau génital, Mycoplasma hominis et les ureaplasma peuvent faire partie de la flore vaginale commensale. Ils ne sont pas responsables d’IST. Leur rôle pathogène dans les infections génitales est discutable. Ils sont en revanche responsables de pathologies obstétricales (accouchements prématurés, rupture prématurée des membranes).

Le traitement est basé sur les cyclines (7 jours par voie orale) ou sur l’azithromycine (Zithromax Monodose® en prise unique de 1 g).

6 Cervicite

Souvent due à C. trachomatis, au gonocoque ou à M. genitalium, une endocervicite peut être asymptomatique ou responsable de leucorrhées. Celles-ci sont associées ou non à des métrorragies provoquées. Une recherche microbiologique est systématique. Un cancer cervical sous-jacent doit être recherché.

Un traitement probabiliste associant ceftriaxone (1 g IM) et azithromycine (1 g par voie orale) peut être proposé sans attendre.

B Causes néoplasiques

Les leucorrhées (associées ou non à des métrorragies provoquées) peuvent être révélatrices d’un cancer cervical. Il est important, après avoir traité l’infection, de vérifier l’état du col surtout si la patiente n’a pas eu de frottis récent.

Une hydrorrhée doit faire évoquer une pathologie utérine ou tubaire.

C Cas particuliers

1 Femme ménopausée

Les deux causes de leucorrhées auxquelles il faut penser chez les personnes ménopausées sont :

         l’atrophie par carence hormonale et dont la modification de la flore explique l’aspect de vaginite sénile. Le traitement sera hormonal ;

         l’origine néoplasique cervicale, endométriale ou tubaire.

Un examen gynécologique complet s’impose pour ne pas passer à côté d’une lésion néoplasique.

2 Jeune fille

Les vulvovaginites infectieuses sont possibles chez la jeune fille. Le plus souvent, il s’agit de germes banals (Streptococcus pyogenes notamment), parfois une oxyurose ou une mycose.

Il faut toutefois penser à l’exceptionnel corps étranger intravaginal que l’on sent parfois par le toucher rectal.

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Points clés

         La leucorrhée physiologique est l’expression d’une bonne imprégnation hormonale.

         L’examen gynécologique permet d’orienter vers les principales étiologies infectieuses dont les candidoses et la vaginose bactérienne sont les plus fréquentes.

         Candidose et vaginose sont dues à des déséquilibres de la flore vaginale et ne sont pas dues à une contamination externe.

         En cas de leucorrhées et ou de cervicite, penser aux IST.

         En cas de récidive, penser aux facteurs favorisants (grossesse, contraception hormonale, progestatifs, périodes de carence œstrogénique, hygiène féminine) et au partenaire.

         Chez la femme ménopausée, ne pas oublier la possibilité de cancers génitaux.

         Chez la jeune fille, ne pas oublier la possibilité de corps étrangers.

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Salpingites (infection génitale haute)

I Pour comprendre

La notion de salpingite doit être remplacée par celle d’infection génitale haute (IGH) qui recouvre les infections utérines et annexielles. Il s’agit d’infections secondaires à l’ascension de germes du vagin à travers le col. La particularité de la plupart des IGH non compliquées actuelles est le caractère pauci-symptomatique voire asymptomatique ; beaucoup de formes sont silencieuses de telle sorte que l’évolution se fera progressivement vers des séquelles tubaires sources de stérilité et douleurs pelviennes chroniques. Une IGH peut se compliquer d’un abcès pelvien ou d’une pelvipéritonite. Concernant souvent des sujets jeunes en âge de procréer, les IGH constituent une question de santé publique qui justifie une information orientée essentiellement vers les jeunes.

II Circonstances de survenue des IGH aiguës et les principaux germes responsables

Il s’agit d’une infection liée à l’ascension de germes depuis le vagin et le col utérin vers les cavités utérines et tubaires. Les pathogènes (les infections polymicrobiennes sont fréquentes) peuvent être des IST ou des germes banals transmis ou d’une manœuvre endo-utérine (hystérographie, hystéroscopie, curetage, IVG, délivrance artificielle, révision utérine, DIU). Il s’agit exceptionnellement d’une infection de voisinage (appendicite, sigmoïdite).

La glaire cervicale joue normalement un rôle protecteur et s’oppose à l’ascension des germes mais la flore vaginale peut devenir pathogène en raison d’un déséquilibre hormonal ou d’une immunodépression. Un geste endo-utérin ou même les rapports sexuels peuvent favoriser la diffusion des germes.

Les principaux pathogènes sont :

         ceux responsables des IST :

        Chlamydia trachomatis : germe intracellulaire, c’est la plus fréquente des bactéries sexuellement transmissibles. La symptomatologie est le plus souvent modérée voire absente. Sa mise en évidence se fait par technique d’amplification génique (PCR),

        le gonocoque (Neisseria gonorrhoeae) peu fréquent en France,

        Mycoplasma genitalium : moins bien connu car sa mise en évidence nécessitait jusqu’à une période récente des techniques spéciales. Il existe à présent des tests PCR combinés Chlamydia, gonocoque et M. genitalium ;

         les germes pathogènes opportunistes issus de la flore vaginale :

        streptocoques, staphylocoques, entérocoques, entérobactéries (E. coli [+++], Klebsiella, anaérobies, Bacteroides fragilis),

        et plus rarement, des agents responsables d’infections spécifiques survenant dans des populations particulières : tuberculose, bilharziose.

III Diagnostic clinique d’une IGH non compliquée

A Interrogatoire

L’interrogatoire :

         précise la date des dernières règles, les antécédents médicaux et chirurgicaux (appendicectomie), les antécédents gynécologiques et obstétricaux (parité) ;

         recherche les facteurs de risque : femme jeune, notion de changement récent de partenaire, antécédents d’IST ou d’IGH, urétrite chez le partenaire, notion de gestes endo-utérins.

B Symptomatologie

Il s’agit :

         de douleurs pelviennes récentes aux caractéristiques cliniques très variables (localisation, intensité…). Les dyspareunies sont fréquentes ;

         de leucorrhées anormales ;

         parfois de métrorragies ;

         de signes fonctionnels urinaires : pollakiurie, brûlures mictionnelles ;

         un syndrome infectieux, voire des signes discrets d’irritation péritonéale n’existent que dans les formes compliquées (abcès pelviens, pelvipéritonite).

C Examen clinique

1 Examen de l’abdomen

L’examen de l’abdomen relève :

         une sensibilité, une douleur limitée à l’hypogastre, parfois une défense ;

         l’absence de défense ou de contracture ;

         parfois une douleur de l’hypochondre droit (dans le cadre d’une périhépatite ou syndrome de Fitz-Hugh-Curtis) ;

         l’absence de douleurs à la palpation des fosses lombaires ; le signe de MacBurney est négatif.

2 Examen gynécologique

         Au spéculum :

        des leucorrhées d’aspect variable (ou une glaire cervicale louche) et parfois masquées par des métrorragies généralement peu abondantes,

        une endocervicite est fréquente (frottis cervical à vérifier si nécessaire, à distance).

         Au toucher vaginal, on retrouve :

        une mobilisation utérine douloureuse qui constitue le signe le plus évocateur,

        associée ou non à une douleur au niveau d’un ou des deux culs-de-sac vaginaux latéraux, voire d’un empâtement douloureux des culs-de-sac.

IV Bilan initial

A Diagnostic positif

Les examens biologiques sont surtout destinés à éliminer une autre pathologie ou une IGH compliquée :

         NFS et dosage de la protéine C-réactive (CRP) sont habituellement normaux en cas d’IGH non compliquée ;

         βhCG pour éliminer une GEU, et un ECBU ou une bandelette urinaire pour éliminer une pyélonéphrite.

Les examens microbiologiques sont indispensables :

         recherche d’une IST par technique PCR à partir d’un prélèvement vaginal ;

         recherche des autres pathogènes par un prélèvement endocervical avec milieu de transport adapté (type Portagerm®) ;

         en cas de contraception par DIU, il est préférable de le retirer et de le mettre en culture.

Malgré ces différents prélèvements, le ou les pathogènes ne sont pas toujours identifiés notamment les anaérobies fréquemment en cause.

En complément des sérologies, peuvent être pratiquées en fonction du risque d’IST : syphilis (TPHA, VDRL), VIH 1 et 2 avec l’accord de la patiente, hépatites B et C.

L’échographie pelvienne (surtout par voie endovaginale) est nécessaire. On cherche les inconstants signes directs d’atteinte tubaire (épaississement, aspect en roue dentée) ; l’échographie peut diagnostiquer un abcès pelvien et s’avère utile pour éliminer une autre pathologie notamment annexielle.

Une TDM abdominopelvienne voire une IRM peuvent être utiles pour éliminer une autre pathologie douloureuse (endométriose, appendicite…).

Une biopsie endométriale, cherchant des signes histologiques d’endométrite peut aussi être réalisée.

La cœlioscopie était l’examen de référence pour les salpingites. Compte tenu de son caractère invasif pouvant entraîner des effets indésirables graves, elle n’est actuellement réservée qu’aux cas d’incertitude diagnostique ou en l’absence d’amélioration après quelques jours de traitement. La cœlioscopie sera en revanche justifiée à distance, dans le cadre du bilan en cas d’infertilité.

B Diagnostic différentiel

Ce sont :

         l’appendicite aiguë pelvienne : parfois la proximité de l’utérus explique une douleur à la mobilisation utérine ; la TDM abdominopelvienne redresse le diagnostic ;

         l’infection urinaire : examen des fosses lombaires, ECBU ;

         la grossesse extra-utérine : doser systématiquement la βhCG plasmatique, et faire une échographie ;

         les autres algies pelviennes : torsion d’annexe, endométriose, pathologie ovarienne, algie péri-ovulatoire et périmenstruelle (contexte clinique ± cœlioscopie) ;

         la sigmoïdite diverticulaire.

C Formes compliquées d’IGH

1 Abcès pelviens

Pyosalpinx, abcès ovariens ou abcès du Douglas constituent les plus fréquentes des complications aiguës : ils compliquent 10 à 35 % des IGH. Il existe des signes généraux avec fièvre et altération de l’état général. Les douleurs pelviennes sont habituellement importantes et peuvent s’accompagner de troubles du transit intestinal. Le toucher vaginal est très douloureux ; il existe une masse pelvienne latéro-utérine fixée, uni- ou bilatérale, habituellement collée à l’utérus.

Le bilan biologique montre un syndrome inflammatoire marqué : hyperleucocytose et élévation de la CRP fréquemment supérieure à 100 mg/L.

L’échographie pelvienne montre la présence d’une collection liquidienne pelvienne. En cas de doute, scanner ou examen IRM pelvien peuvent établir le diagnostic.

Un traitement en hospitalisation s’impose.

2 Pelvipéritonite

Des signes généraux infectieux (altération de l’état général, fièvre voire frissons) sont présents, ainsi que des troubles du transit traduisant l’iléus réflexe : nausées, vomissements, diarrhée ou arrêt du transit. L’examen trouve une défense abdominale – voire une contracture – localisée à la région sous-ombilicale. Les touchers pelviens déclenchent une douleur diffuse, classiquement plus marquée au niveau du Douglas où une masse est parfois perçue. La présence de leucorrhées ou d’une contraception par DIU peut orienter vers l’origine génitale de cette péritonite.

La difficulté consiste à s’assurer de l’origine génitale de l’infection ce qui n’est pas toujours évident, en particulier si la patiente n’a pas été préalablement appendicectomisée. La TDM abdominopelvienne constitue le meilleur examen pour confirmer le diagnostic et surtout éliminer une origine extra-génitale à la péritonite ; elle doit précéder la décision de traitement médical : au moindre doute quant à l’origine de l’infection, une exploration chirurgicale doit être réalisée sans délai.

V Stratégie thérapeutique

A Traitement des IGH non compliquées

Le traitement médical est initié sans attendre les résultats microbiologiques.

Il comporte une antibiothérapie probabiliste, c’est-à-dire efficace sur les différents pathogènes habituels des IGH pour une durée de 14 jours. Les formes non compliquées sont traitées en externe, essentiellement par voie orale, alors que les formes compliquées sont hospitalisées et l’antibiothérapie est instaurée par voie IV.

Les pathogènes à traiter sont variés : germes intracellulaires, aéro- et anaérobies et gonocoques potentiellement multirésistants. Une association antibiotique s’avère donc indispensable. Le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) a fait des recommandations (2012) et propose différents protocoles (tableau 21.2).

Tableau 21.2 Recommandations et protocoles du CNGOF.

 

Antibiotiques

Posologies et voies d’administration

Durées

Remarques

Traitement proposé en première intention

Ofloxacine

400 mg × 2/j per os

 

Injection de ceftriaxone systématique ou seulement après résultat de la recherche de gonocoque.

 

+ métronidazole

± ceftriaxone

500 mg × 2/j per os

500 mg, 1 injection unique IM

14 jours

 

Alternatives possibles

1) Ceftriaxone

500 mg, 1 injection IM

dose unique

 

 

+ métronidazole

400 mg × 2/j per os

14 jours

 

 

+ doxycycline

100 mg × 2/j per os

14 jours

 

 

2) Moxifloxacine

± ceftriaxone

400 mg/j

14 jours

Coût plus élevé que l’ofloxacine (non remboursé actuellement). Précautions si troubles hépatiques connus.

Injection de ceftriaxone systématique ou seulement après résultat de la recherche de gonocoque.

 

3) Lévofloxacine

500 mg/j

14 jours

Coût plus élevé qu’ofloxacine mais 1 seule prise/jour.

Hors AMM.

 

+ métronidazole

500 mg × 2/j

14 jours

 

 

4) Ceftriaxone

250 mg IM

dose unique

Hors AMM.

 

+ azithromycine

1 g par semaine

14 jours

 

 

5) Ceftriaxone

250 mg IM

dose unique

 

 

+ doxycycline

100 mg × 2/j

14 jours

 

 

6) Doxycycline

100 mg × 2/j

14 jours

 

 

+ métronidazole

400 mg × 3/j

14 jours

 

 

+ ciprofloxacine

500 mg

dose unique

 

 

7) Clindamycine

900 mg × 3/j IV

14 jours pour l’ensemble du traitement

Pas d’évaluation récente (< 10 ans).

 

+ gentamicine

1,5 mg/kg × 3/j IV

 

 

 

puis clindamycine

450 mg × 3/j per os

 

 

 

(ou Doxycycline)

(100 mg × 2/j)

 

 

 

+ métronidazole

400 mg × 2/j per os

 

 

 

Les mesures associées sont :

         le retrait d’un éventuel DIU ;

         le repos ;

         un antalgique ;

         la protection des rapports sexuels (préservatifs) ;

         le traitement du partenaire en cas d’IST.

Un examen clinique de contrôle doit être effectué.

B Traitement des IGH compliquées

La patiente est hospitalisée et une antibiothérapie est débutée par voie parentérale souvent complétée par un drainage en cas de collection abcédée. Le CNGOF, dans ses recommandations, propose les associations ceftriaxone + métronidazole + doxycycline, ofloxacine + métronidazole ou céfoxitine + doxycycline, pour une durée totale de 14 à 21 jours, avec l’éventuelle adjonction de gentamicine en cas de sepsis sévère.

En complément à l’antibiothérapie et en cas d’abcès pelvien, un drainage de la collection est utile dès que celle-ci mesure 3 cm de diamètre. Il paraît préférable d’attendre 24 à 48 heures d’antibiothérapie pour éviter un choc septique. La ponction sous imagerie constitue une alternative valable au drainage chirurgical : ponction transvaginale échoguidée ou ponction transrectale sous TDM. Si le drainage n’est pas possible par ponction il sera effectué par cœlioscopie. L’antibiothérapie parentérale est ensuite poursuivie quelques jours (jusqu’à l’obtention de l’apyrexie et de l’amélioration clinique) avant un relais oral. La durée totale de traitement sera généralement de 21 jours en fonction de l’évolution clinique et biologique.

En cas de pelvipéritonite, le traitement consiste essentiellement dans l’antibiothérapie parentérale, sous surveillance, en milieu chirurgical, et la patiente étant laissée à jeun les 36 à 48 premières heures. Une amélioration clinique et biologique doit être observée après 48 heures, autorisant la poursuite de l’antibiothérapie puis le relais par voie orale. Dans le cas contraire, une vérification chirurgicale s’impose.

C Traitement préventif (++)

Il comprend :

         une information sur les IST, sur l’intérêt des préservatifs ;

         un dépistage et un traitement précoces des infections génitales basses ;

         un dépistage et le traitement des partenaires.

VI Complications à moyen et long termes

Une IGH même non compliquée peut entraîner des phénomènes immuno-inflammatoires tubaires. Ceux-ci peuvent induire des lésions tubo-pelviennes définitives (obstructions ou destructions pariétales tubaires, adhérences pelviennes). Celles-ci sont responsables de grossesses extra-utérines, de stérilités tubaires et de douleurs pelviennes chroniques.

Le risque de récidive d’IGH est majoré après un premier épisode.

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Points clés

         Les IGH sont des pathologies fréquentes surtout chez la jeune femme.

         Les formes subaiguës voire silencieuses sont les plus fréquentes et posent des difficultés diagnostiques.

         Les IGH peuvent être dues à une IST (surtout C. trachomatis) ou un pathogène issu de la flore vaginale surtout en cas de gestes endo-utérins.

         Le bilan comprend examens microbiologiques, échographie et biopsie endométriale. Une cœlioscopie est effectuée en cas de doute.

         Un traitement antibiotique est instauré dès suspicion clinique. Il comprend une antibiothérapie probabiliste à large spectre prescrite en externe pour une durée de 2 semaines.

         Les formes compliquées nécessitent une hospitalisation et une antibiothérapie par voie parentérale.

         Il existe un risque de séquelles sous forme de lésions tubo-pelviennes à l’origine d’infertilité (GEU, stérilité) et de douleurs pelviennes chroniques.

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