Chapitre 19 Item 303 – UE 9 – Diagnostiquer une tumeur de l’ovaire

I.       Pour comprendre

II.    Tumeurs ovariennes bénignes

III. Cancer de l’ovaire

IV. Tumeurs ovariennes borderlines ou frontières

V.    Conclusion

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Objectif pédagogique

*  Diagnostiquer une tumeur de l’ovaire.

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I Pour comprendre

A Définition

Processus prolifératifs bénins ou malins, primitifs ou secondaires, d’aspect kystique, solide ou végétant, dont la croissance n’est pas directement liée à un dysfonctionnement hormonal. Cette définition des tumeurs de l’ovaire élimine le lutéome de la grossesse, les kystes fonctionnels folliculaires et les kystes du corps jaune qui sont liés à un dysfonctionnement hormonal.

La démarche diagnostique aura donc pour finalité d’éliminer dans un premier temps un kyste fonctionnel et dans un deuxième temps d’affirmer la nature bénigne ou maligne de la tumeur.

B Épidémiologie

1 Tumeurs bénignes

Si les tumeurs ovariennes sont fréquentes, regroupant des pathologies très différentes, les cancers sont beaucoup plus rares. Environ 5 à 10 % des femmes auront une tumeur ovarienne au cours de leur vie, et il s’agit le plus souvent d’un kyste ovarien bénin.

L’ovaire est un organe complexe qui abrite de nombreux types cellulaires différents : les cellules de la lignée germinale et les cellules thécales, les cellules stromales (du tissu conjonctif) et les cellules épithéliales du mésothélium recouvrant la surface de l’ovaire. C’est cette richesse tissulaire qui explique la grande variété des tumeurs sur le plan histologique, physiopathologique et pronostique.

2 Tumeurs malignes

Avec 4 375 nouveaux cas par an en France, le cancer de l’ovaire est le 2e cancer gynécologique par ordre de fréquence après le cancer de l’endomètre. Son incidence est de 8/100 000 femmes par an mais ce taux augmente avec l’âge et atteint un maximum à 75 ans. On remarque une légère diminution depuis 2000 en raison de l’augmentation de l’utilisation de la contraception orale de ces générations de femmes, grâce à une diminution du nombre d’ovulations liée à cette utilisation. Environ 10 % des cancers de l’ovaire surviennent dans un contexte de prédisposition génétique. Enfin, sa découverte à un stade tardif dans 75 % des cas (stade III) explique un nombre important de décès (3180 décès par an) le plaçant au 5e rang des décès par cancer chez la femme.

C Anatomie pathologique

1 Tumeurs bénignes

Kystes fonctionnels

Ils regroupent les kystes folliculaires en 1re partie de cycle et les kystes du corps jaune ou kyste lutéal en 2e partie de cycle (après l’ovulation). Ils disparaissent spontanément lors du contrôle échographique et ne nécessitent aucun traitement.

Kystes organiques

Ils peuvent être de trois origines :

         épithéliale : cystadénomes séreux, cystadénomes mucineux ou endométriomes ;

         germinale : les kystes dermoïdes ou tératomes matures dérivent d’une cellule multipotente pouvant être à l’origine de différents tissus présents au sein du kyste : gras, poils, cheveux, os, dent… ;

         stromales : fibrothécomes.

Ces formes histologiques peuvent être à l’origine de tumeurs bénignes ou plus rarement malignes et sont regroupées dans la classification OMS des tumeurs ovariennes (tableau 19.1).

Tableau 19.1 Classification OMS 2003 des tumeurs de l’ovaire.

Tumeurs épithéliales

Séreuses

Mucineuses

Endométrioïdes

À cellules claires

À cellules transitionnelles

Épithéliales mixtes

Indifférenciées

Tumeurs germinales

Tératomes

Pluritissulaires :

 

                        – matures

                         

                        – immatures

                         

 

Monotissulaires

Struma ovarii (goitre ovarien)

Tumeurs carcinoïdes

Tumeurs neuroectodermiques

Tumeurs germinales primitives

Dysgerminome

Tumeur vitelline

Carcinome embryonnaire

Choriocarcinome non gestationnel

Polyembryome

Tumeurs germinales mixtes

 

Tumeurs du stroma gonadique et des cordons sexuels et tumeurs stéroïdes

Fibrome

Thécome

Fibrosarcome

Tumeur stromale avec composante mineure des cordons sexuels

Tumeur stromale sclérosante

Tumeur stromale à cellules en bague à chaton

Tumeur des cordons sexuels

Tumeur à cellules de la granulosa :

 

                        – type adulte

                         

                        – type juvénile

                         

 

Tumeur à cellules de Sertoli-Leydig

Tumeur à cellules de Sertoli

Tumeur du stroma gonadique et des cordons sexuels de type mixte et formes indifférenciées

Gynandroblastome

Tumeur à cellules de Sertoli avec tubes annelés

Tumeur des cordons sexuels indifférenciée

Tumeur à cellules stéroïdes

Lutéome stromal

Tumeur à cellules de Leydig

Tumeur à cellules stéroïdes

 

Tumeurs mixtes des cordons sexuels et germinales

Gonadoblastome

Tumeur mixte des cordons sexuels et des cellules germinales

Tumeurs du rete ovarii

Adénome

Adénocarcinome

Autres

Carcinomes à petites cellules

Carcinome neuroendocrine à grandes cellules

Carcinome hépatoïde kystique

FATWO (tumeur wolfienne)

Paragangliome

Myxome

Lymphomes

Tumeurs conjonctives

 

2 Tumeurs malignes

Ce sont les mêmes formes histologiques que celles décrites précédement dans leur version maligne et regroupées dans la classification OMS des tumeurs ovariennes (tableau 19.1).

Ainsi, les formes les plus fréquentes sont les tumeurs épithéliales (90 %) : cystadénocarcinomes séreux (forme la plus fréquente), cystadénocarcinomes mucineux, endométrioïdes ou à carcinomes à cellules claires.

Les tumeurs germinales ou des cordons sexuels sont plus fréquentes chez les patientes jeunes : les tératomes indifférenciés, dysgerminomes, tumeurs de la granulosa, choriocarcinome, gonadoblastome, etc. Ces tumeurs rares ont une prise en charge spécifique et différente des tumeurs épithéliales.

Les métastases ovariennes représentent 10 % des tumeurs ovariennes malignes et doivent être évoquées en cas de tumeur bilatérales mucineuses : origine digestive colo-rectale ou gastrique (syndrome de Krukenberg). Mais elles peuvent également entrer dans le cadre d’un cancer du sein métastatique avec carcinose péritonéale.

D Physiopathologie et facteurs de risque des cancers de l’ovaire

1 Physiopathologie

Dans la théorie de la cicatrisation, chaque ovulation crée un traumatisme mineur sous forme d’une rupture au niveau de la surface épithéliale. Au cours du processus de cicatrisation, des kystes d’inclusion d’épithélium ovarien peuvent se former dans le stroma et être à l’origine d’une prolifération puis de la transformation néoplasique. Une théorie plus récente est en faveur d’une origine tubaire des cellules néoplasiques (STIC).

Lorsque le processus néoplasique franchit la corticale ovarienne, l’extension va alors se faire vers les autres organes pelviens ainsi que vers l’ensemble de la cavité péritonéale. Le cancer de l’ovaire passe donc très rapidement d’un stade localisé à un stade généralisé à l’ensemble de la cavité péritonéale, au gré du flux naturel du liquide péritonéal.

L’extension de ce cancer se fait également par drainage lymphatique : vers les ganglions pelviens et lombo-aortiques.

Enfin, la dissémination hématologique est rare et intéresse essentiellement les poumons, le foie et le cerveau.

2 Facteurs de risque

Les facteurs de risque du cancer de l’ovaire regroupent également des facteurs génétiques et des situations cliniques à risque :

         la mutation des gènes BRCA 1 ou 2 est à l’origine de cancers avant 60 ans. Ils seraient de meilleur pronostic, car plus chimiosensibles que les cancers sporadiques ;

         plus rarement ils peuvent s’intégrer dans le syndrome de Lynch qui concerne surtout les cancers colo-rectaux et de l’endomètre ;

         les facteurs cliniques à l’origine d’une augmentation du nombre des cycles sont également associés à une augmentation du risque : la nulliparité, les règles précoces, la ménopause tardive et l’âge ;

         attention à ne pas négliger les patientes prises en charge en fécondation in vitro et notamment une stimulation par Clomid® ;

         en revanche, la contraception orale, la grossesse, l’allaitement et la ligature des trompes sont associés à une diminution du risque de cancer de l’ovaire.

Il n’existe aucun dépistage efficace dans le cancer de l’ovaire.

II Tumeurs ovariennes bénignes

A Examen clinique

1 Interrogatoire

Il précise :

         les antécédents personnels et familiaux de cancer gynécologique, de cancer du sein, de cancer colo-rectal, âge lors des premières règles (ménarches), gestité, parité, statut ménopausique ± âge à la ménopause, contraception ou traitement hormonal de la ménopause ;

         l’existence de douleurs pelviennes et de troubles digestifs ;

         les circonstances de découverte : la découverte d’un kyste ovarien est le plus souvent fortuite, au cours d’une échographie ou la palpation d’une masse latéro-utérine lors d’un examen clinique. Plus rarement, la tumeur ovarienne peut entraîner une gêne, une pesanteur ou des douleurs pelviennes associées à une augmentation de volume de l’abdomen voire une ascite. Dans le cas de masses volumineuses, il peut également y avoir des signes compressifs : troubles urinaires (signes irritatifs) ou digestifs (constipation). Des troubles du cycle peuvent également être associés.

2 Examen clinique

Il comporte :

         la palpation abdominale à la recherche d’une masse pelvienne, d’une hépato-splénomégalie ;

         l’examen au spéculum : à la recherche d’une tumeur cervicale, de lésions vaginales et de saignements ;

         le toucher vaginal : recherche d’une masse pelvienne latéro-utérine, d’une douleur. En cas de volumineuse masse, on complètera l’examen par un toucher rectal à la recherche d’une tumeur rectale, de signes de compression voire d’envahissement rectal (nodule de carcinose péritonéale) ;

         la palpation des aires ganglionnaires inguinales et sus-claviculaires ;

         la palpation bilatérale des seins à la recherche d’un nodule, ainsi que des aires ganglionnaires axillaires en cas de tumeur suspecte.

B Examens complémentaires

1 Échographie pelvienne

Le premier examen diagnostique est l’échographie pelvienne, par voie abdominale puis endovaginale. C’est l’examen de première ligne qui permet de préciser la taille, localisation, forme, échostructure et vascularisation du kyste. Les signes associés comme l’existence d’une ascite ou d’autres masses sont également recherchés.

Critères échographiques en faveur d’un kyste fonctionnel : kyste uniloculaire < 7 cm liquidien pur chez une patiente non ménopausée (figure 19.1).

________________________________________________________________________________Figure 19.1

Vue en cœlioscopie du pelvis visualisant un petit utérus de taille normale et au premier plan un volumineux kyste ovarien d’allure organique avec une corticale ovarienne lisse sans végétation ni anomalie de la vascularisation de la corticale ovarienne en faveur de la bénignité.

Cette illustration est également reproduite dans le cahier couleur.

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Critères échographiques en faveur d’un kyste organique : existence d’une cloison, parois épaissies, contenu hétérogène, contours irréguliers, vascularisation au Doppler ou taille 7 cm (figure 19.2).

________________________________________________________________________________Figure 19.2

Vue en cœlioscopie du pelvis visualisant un utérus de taille normale avec au premier plan un ovaire de taille légèrement augmentée avec végétations exokystiques, présence d’une ascite dans le Douglas et implants péritonéaux en faveur d’une tumeur maligne de l’ovaire.

Cette illustration est également reproduite dans le cahier couleur.

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Critères échographiques en faveur de la malignité : végétations endo- ou exo-kystiques, ascite, adénopathies ou masse pelvienne associée (figure 19.3).

________________________________________________________________________________Figure 19.3

Vue en cœlioscopie de l’hypochondre droit visualisant une carcinose péritonéale avec implants carcinomateux sur la coupole diaphragmatique.

Cette illustration est également reproduite dans le cahier couleur.

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Une classification internationale « International Ovarian Tumor Analysis » (IOTA) reprend ces critères et permet de discriminer des masses ovariennes suspectes.

Ces critères sont à interpréter en fonction du statut ménopausique +++ et de l’âge de la patiente.

2 Autres examens

Il n’est pas recommandé de réaliser une IRM pelvienne ou des marqueurs tumoraux en dehors d’une suspicion de malignité à l’échographie, notamment pour un kyste uniloculaire < 7 cm (recommandation du CNGOF de décembre 2013).

Chez une patiente non ménopausée, on demandera des β-HCG pour éliminer une grossesse extra-utérine.

En cas de kyste suspect, les marqueurs tumoraux demandés sont le CA125 (spécifique du cancer de l’ovaire), ACE et CA19-9. En cas de suspicion de tumeur germinale, on pourra également demander : alphafœto-protéine, β-HCG, LDH.

Le bilan d’une tumeur ovarienne bénigne repose essentiellement sur un bilan clinique précis et complet et une échographie pelvienne.

C Prise en charge

Elle dépend avant tout de l’aspect de la tumeur ovarienne et de la symtomatologie.

En cas de kyste uniloculaire liquidien < 10 cm, une surveillance peut être réalisée en l’absence de symptomatologie. Une kystectomie peut être discutée chez une patiente symptomatique (la patiente doit être informée du risque d’altération de la réserve ovarienne liée à une kystectomie).

En cas de tumeur non suspecte symptomatique, une kystectomie ou annexectomie pourra être réalisée sous cœlioscopie selon la séquence suivante :

         exploration complète de la cavité abdomino-pelvienne (coupoles diaphragmatiques, gouttières pariéto-coliques, mésentère, péritoine du Douglas) ;

         cytologie péritonéale ;

         kystectomie ou annexectomie ;

         extraction protégée (dans un sac) de la pièce opératoire ;

         envoi de la pièce en anatomopathologie ;

         pas d’examen extemporané en l’absence de signe suspect.

En cas de tumeur suspecte, une IRM pelvienne et des marqueurs tumoraux permettront d’affiner le diagnostic et de guider la prise en charge. Une cœlioscopie exploratrice pourra également compléter le bilan (cf. infra).

D Complications

1 Torsion annexielle

C’est une complication classique qui constitue une urgence chirurgicale en raison du risque de nécrose ovarienne car c’est une torsion de l’ovaire autour de son pédicule vasculaire. Les kystes dermoïdes sont les plus à risque en raison de leur poids, alors que les endométriomes sont rarement à l’origine de cette complication car les adhérences fréquemment associées diminuent la mobilité des ovaires.

Les symptômes sont une douleur brutale non soulagée par les antalgiques avec de possibles nausées, vomissements, associée à une défense abdominale. Le tableau peut être précédé par des épisodes de subtorsion avec des douleurs paroxystiques spontanément résolutifs dans les semaines précédentes. Attention aux formes frustres ou incomplètes qui ne doivent pas éliminer à tort le diagnostic. L’échographie ne montre la plupart du temps que le kyste et le Doppler peut montrer une persistance du flux vasculaire sans éliminer le diagnostic. Un ovaire tumoral ascensionné est quasiment pathognomonique de la torsion, avec une masse douloureuse juste sous la paroi à la palpation et au dessus du fond utérin à l’échographie. Les βHCG sont négatifs et éliminent une grossesse extra-utérine.

Le traitement est une cœlioscopie en urgence pour détorsion ovarienne et kystectomie avec risque d’annexectomie qui doit rester rare en cas de tumeur non suspecte chez la femme en âge de procréer. En effet, si la patiente doit être prévenue de cette possibilité, la nécrose ovarienne est rare.

2 Hémorragie intrakystique

Dans ce cas également, la douleur va être brutale et on retrouve une masse latéro-utérine douloureuse, mais non ascensionnée. À l’échographie, le kyste est hétérogène avec une plage hyperéchogène témoin d’un saignement intrakystique récent.

Dans ce cas, la prise en charge est symptomatique et basée sur les antalgiques et le repos.

3 Rupture de kyste

Le tableau typique est une douleur paroxystique et brutale spontanément résolutive. Souvent la douleur est passée au moment de l’examen et à l’échographie il n’existe plus de kyste mais une lame d’épanchement liquidien dans le cul-de-sac de Douglas.

Rarement il existe une rupture hémorragique avec une hémorragie active. Dans ce cas, la douleur est persistante avec des signes d’irritation péritonéale et un épanchement plus important. Il peut exister une anémie aiguë à l’hémogramme. La prise en charge est chirurgicale avec une cœlioscopie exploratrice puis opératoire pour faire l’hémostase et réaliser une kystectomie ovarienne.

4 Compression

Une volumineuse tumeur ovarienne peut entraîner une compression des organes de voisinage, qui est plutôt en faveur du caractère malin. Des troubles digestifs à type de constipation sont possibles en cas de compression rectale. Une compression vesicale entraînera des signes irritatifs (pollakiurie). Il peut également y avoir une compression urétérale entraînant une urétérohydronéphrose.

La compression vasculaire n’est pas anecdotique et une thrombophlébite pelvienne doit être systématiquement recherchée par écho Doppler en cas de volumineuse masse pelvienne (cancer+++).

Une douleur pelvienne aiguë brutale chez une femme jeune doit faire rechercher sans retard une torsion annexielle dont dépend le pronostic de l’ovaire.

III Cancer de l’ovaire

A Bilan clinique

Les signes cliniques initiaux sont malheuresement frustres et d’apparition tardive et très progressive, à un stade avancé de la maladie.

Les signes les plus fréquents sont : augmentation du volume de l’abdomen, douleur ou pesanteur pelvienne, perception d’une masse ou d’une ascite, constipation voire un syndrome occlusif. Plus rarement, un œdème d’un membre inférieur, une phlébite ou une sciatalgie par compression veineuse ou radiculaire. Une dyspnée ou une douleur thoracique peuvent être en rapport avec un épanchement pleural. Enfin, une altération de l’état général peut compléter le tableau.

Le bilan clinique reprend les éléments cliniques précédents concernant les tumeurs ovariennes bénignes avec une importance des éléments suivants :

         rechercher les antécédents personnels et familiaux de cancers gynécologiques et mammaires ;

         rechercher une masse pelvienne à l’examen et réaliser un toucher rectal pour rechercher une tumeur rectale (importance des formes secondaires), une compression ou envahissement rectal, une carcinose péritonéale ;

         examen mammaire bilatéral à la recherche d’un nodule, ainsi que des aires ganglionnaires axillaires et sus-claviculaires (associations fréquentes avec un cancer du sein) ;

         rechercher des signes de dénutrition et les comorbidités.

B Bilan paraclinique

1 Échographie abdomino-pelvienne

Elle représente l’examen de première intention. Les critères échographiques en faveur de la malignité sont : végétations endo- ou exo-kystiques, ascite, adénopathies ou masse pelvienne associée (figure 19.3).

2 IRM abdomino-pelvienne

En cas de forme localisée, l’IRM pelvienne et abdominale jusqu’au pédicule rénal permet au mieux de caractériser la tumeur (intérêt des séquences en perfusion et en diffusion).

3 Tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne (TDM-TAP)

Lorsqu’il s’agit de formes évoluées, le problème est avant tout d’évaluer l’extension de la maladie et le bilan d’extension repose alors sur le TDM-TAP avec injection et le dosage du CA125.

4 Marqueurs tumoraux

On prescrit le CA125 mais également les marqueurs CA19-9 et ACE en cas de tumeur épithéliale.

En cas de suspicion de tumeur germinale ou chez une femme jeune, on pourra également demander : alphafœto-protéine, βHCG, LDH. À noter que le marqueur HE4 est en cours d’évaluation et aurait une sensibilité et spécificité plus élevées que le CA125.

C Principes de la prise en charge du cancer de l’ovaire

Le cancer de l’ovaire est l’un des rares cancers dont le diagnostic n’est habituellement pas obtenu en préopératoire. Ainsi, la cœlioscopie est fondamentale pour établir le diagnostic, et complète le bilan d’extension par l’évaluation de la carcinose péritonéale. Voilà pourquoi la réalisation d’une cœlioscopie à visée diagnostique, pronostique et de stadification est l’élément clé du bilan initial (encadré 19.1Encadré 19.1 Classification de FIGO 2014

I : Tumeur limitée aux ovaires :

         IA : tumeur limitée à un seul ovaire avec capsule intacte et cytologie péritonéale négative

         IB : tumeurs des deux ovaires, capsules intactes et cytologie péritonéale négative

         IC :

        IC1 : rupture capsulaire peropératoire

        IC2 : rupture préopératoire ou tumeur à la surface ovarienne

        IC3 : cellules malignes dans le liquide d’ascite ou de lavage péritonéal

II : Tumeur ovarienne étendue au pelvis :

         IIA : implants ou extension à l’utérus et/ou aux trompes

         IIB : extension aux autres organes pelviens

         IIC : IIA ou IIB avec cellules malignes dans le liquide d’ascite ou de lavage péritonéal

III : Atteinte péritonéale en dehors du pelvis et/ou métastases ganglionnaires rétropéritonéales :

         IIIA : métastases ganglionnaires rétropéritonéales et/ou atteinte microscopique au-delà du pelvis :

        IIIA1 : métastases ganglionnaires rétropéritonéales

        IIIA2 : atteinte microscopique extrapelvienne ± atteinte ganglionnaire rétropéritonéale

       IIIA (i) : métastases ≤ 10 mm

       IIIA (ii) : métastases > 10 mm

         IIIB : métastases péritonéales macroscopiques < 2 cm extrapelvienne ± ateinte ganglionnaire rétropéritonéale

         IIIC : métastases péritonéales macroscopiques > 2 cm ± ateinte ganglionnaire rétropéritonéale y compris l’extension à la capsule hépatique ou de la rate

IV : Métastases à distance excluant les métastases péritonéales

         IVA : épanchement pleural avec cytologie positive

         IVB : métastases parenchymateuses hépatique ou splénique, extension extra-abdominales y compris atteinte des aires ganglionnaires inguinales et ganglions en dehors de la cavité abdominale.

).

Lors de cette cœlioscopie, l’exploration abdomino-pelvienne permet une évaluation précise de la carcinose péritonéale grâce à l’utilisation de scores de carcinose péritonéale permettant d’évaluer la résécabilité des lésions. Des biopsies des nodules de carcinose seront réalisées pour obtenir un diagnostic histologique. En l’absence de carcinose péritonéale, une annexectomie diagnostique et une cytologie péritonéale permettront d’obtenir un diagnostic.

1 Tumeur présumée précoce

Le cancer concerne un ou les deux ovaires. Il est nécessaire de réaliser une stadification ou une restadification (en cas de tumeur déjà réséquée). Cette stadification pourra être réalisée par cœlioscopie ou laparotomie en fonction des situations et comprend :

         une exploration abdomino-pelvienne complète ;

         une hystérectomie avec annexectomie bilatérale ;

         des curages pelviens et lombo-aortiques ;

         une omentectomie (exérèse du grand épiploon) ;

         une appendicectomie ;

         des biopsies péritonéales multiples et cytologie péritonéale.

2 Tumeur avancée

Importance de référer la patiente dans un centre expert pour la prise en charge des cancers de l’ovaire. Le cancer est diagnostiqué à un stade de carcinose péritonéale. Dans ce cas, toute la stratégie repose sur une cœlioscopie exploratrice permettant de coter la carcinose péritonéale en utilisant des scores de carcinose péritonéale.

On distingue alors deux situations :

         maladie résécable : une chirurgie de cytoréduction complète par laparotomie xypho-pubienne peut être organisée généralement dans les 15 jours suivant la cœlioscopie et une information complète des gestes à réaliser peut être délivrée à la patiente (nécessité de résection intestinale). Il convient de profiter du délai entre la cœlioscopie et la chirurgie d’exérèse pour renutrir la patiente (régime hyperprotidique pendant 7 jours) ;

         maladie non résécable : il est impossible de retirer toute la maladie péritonéale ou l’intervention serait associée à une morbidité trop importante pour la patiente. Dans ce cas, une chimiothérapie néo-adjuvante est réalisée et la résécabilité sera réévaluée après 3 cycles de chimiothérapie dans le but de réaliser la chirurgie de cytoréduction à ce moment là (chirurgie d’intervalle).

3 Mesures associées

Le médecin référent doit présenter le dossier en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) afin de valider la prise en charge thérapeutique. Il présente alors à la patiente un plan personnalisé de soin (PPS) expliquant les principes de la prise en charge :

         consultation oncogénétique chez les patientes de moins de 70 ans ;

         prise en charge à 100 % et soins de support ++ (ensemble de soins et soutiens nécessaires aux personnes malades) :

         prise en charge nutritionnelle et rééducation postopératoire (kinésithérapie respiratoire ++),

         prise en charge de la douleur et éventuels soins palliatifs,

         prise en charge psychologique.

D Pronostic

Il est globalement sombre avec une survie de 45 % à 5 ans tout stade confondu : 85 % au stade I, 60 % au stade II, 35 % au stade III et 20 % seulement au stade IV.

Le pronostic est directement lié à la résecabilité de la maladie et le facteur pronostique le plus important dans les études est le résidu tumoral postopératoire. Les autres facteurs pronostiques sont le type histologique, le grade, la réponse à la chimiothérapie, l’âge et l’état général de la patiente.

À noter que le pronostic des patientes est amélioré par la prise en charge dans des centres experts car le taux de résection complète de première intention ou après chimiothérapie néo-adjuvante est supérieur à 70 %. Or, la résection complète est l’élément pronostique le plus important.

E Surveillance

Le suivi des patientes traitées repose sur l’examen clinique et le dosage des marqueurs si initialement élevés (CA 125), tous les 4 mois pendant 2 ans, puis tous les 6 mois pendant 3 ans puis annuel. Aucun examen radiologique n’est systématique et dépendra du risque de récidive et des symptômes.

Devant un diagnostic de cancer de l’ovaire avant 70 ans ou avec un contexte familial de cancer du sein ou de l’ovaire, la recherche d’une mutation BRCA 1 ou 2 est recommandée.

En cas de mutation BRCA 1 ou 2, un suivi est mis en place à partir de 30 ans et comprend un examen gynécologique et mammaire bi-annuel ainsi qu’un bilan d’imagerie annuel. Une échographie pelvienne endovaginale et une surveillance annuelle du CA125 doit être proposée. Une annexectomie peut être également proposée à partir de 40 ans en cas de mutation de BRCA 1 et 45 ans en cas de mutation de BRCA 2.

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Points clés

         Tumeurs épithéliales (cystadénocarcinomes séreux++) dans 90 %.

         75 % de diagnostics à un stade avancé → pronostic sombre.

         L’extension se fait par voie péritonéale et lymphatique.

         La cœlioscopie permet le diagnostic et l’extension péritonéale.

         Le facteur pronostique principal est le résidu tumoral postopératoire.

         Une enquête oncogénétique doit être demandée chez toute patiente ayant un cancer de l’ovaire diagnostiqué avant 70 ans.

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IV Tumeurs ovariennes borderlines ou frontières

à côté des tumeurs bénignes et des tumeurs malignes, il existe une variété tumorale particulière à l’ovaire, les tumeurs borderlines ovariennes (TBO) ou tumeurs frontières de l’ovaire (TFO) qui se situent entre les lésions morphologiquement bénignes et les tumeurs malignes.

Elles doivent être individualisées en raison de leur fréquence, de leur âge de survenue (inférieur à celui des tumeurs malignes) et surtout de leur excellent pronostic par rapport à celui des tumeurs malignes.

L’IRM pelvienne est d’un apport diagnostique majeur par l’analyse des séquences en diffusion et en perfusion. Aucun critère macroscopique pris isolément ne permet de les différencier d’une part d’un cystadénome papillaire bénin et d’autre part des tumeurs malignes ou cystadénocarcinomes. C’est donc l’analyse histologique qui permettra de faire le diagnostic. Ce diagnostic histologique est difficile et peut nécessiter la relecture d’un expert.

Dans 20 % à 40 % des cas, la tumeur est associée à des localisations extra-ovariennes, sous forme d’implants péritonéaux, qu’il ne faut pas confondre avec des lésions de carcinose péritonéale. Tout comme dans le cancer ovarien, il faut réaliser une stadification ou restadification péritonéale complète par voie cœlioscopique comprenant :

         exploration complète de la cavité péritonéale ;

         cytologie péritonéale et biopsies péritonéales ;

         kystectomie ou annexectomie uni- ou bilatérale en fonction des situations ;

         omentectomie infracolique ;

         pas de curage nécessaire dans cette pathologie ;

         appendicectomie en cas de forme mucineuse.

Les éléments pronostiques des TBO sont le type histologique et surtout la présence d’implants invasifs, d’où l’importance de la stadification initiale. Ces éléments permettront chez des femmes souvent jeunes de décider d’un traitement conservateur, contrairement au cancer ovarien où le traitement est le plus souvent radical.

V Conclusion

La découverte d’une tumeur ovarienne peut correspondre à plusieurs situations complètement différentes sur le plan de la prise en charge et du pronostic. L’échographie est l’examen de première ligne et doit préciser s’il s’agit d’une tumeur probablement bénigne ou s’il existe des signes suspects de malignité. Une IRM pourra alors compléter le bilan et préciser les caractéristiques morphologiques. La cœlioscopie exploratrice et l’exérèse de la tumeur permettront d’obtenir un diagnostic histologique et éventuellement l’extension intrapéritonéale. À l’issue de ce diagnostic histologique, on pourra distinguer trois situations : tumeur bénigne, tumeur maligne ou tumeur borderline et adapter la prise en charge.

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Points clés

         La découverte d’une tumeur de l’ovaire est le plus souvent fortuite.

         Le pronostic du cancer de l’ovaire dépend du stade au moment du diagnostic.

         Actuellement, plus de 2/3 des cancers sont diagnostiqués aux stades II-III.

         Le stade est évalué chirurgicalement.

         Le traitement repose le plus souvent sur une association chirurgie-chimiothérapie.

         L’enquête onco-génétique doit être proposée à toute femme ayant un cancer de l’ovaire avant 70 ans.

         Intérêt des centres experts pour la prise en charge des cancers de l’ovaire.

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