I. Pour comprendre
II. Tumeurs ovariennes bénignes
III. Cancer de l’ovaire
IV. Tumeurs ovariennes borderlines ou frontières
V. Conclusion
________________________________________________________________________________
________________________________________________________________________________
Objectif pédagogique
Diagnostiquer une tumeur de l’ovaire.
__________________________________________________________________________________
Processus prolifératifs bénins ou malins,
primitifs ou secondaires, d’aspect kystique, solide ou végétant, dont la
croissance n’est pas directement liée à un dysfonctionnement hormonal. Cette
définition des tumeurs de l’ovaire élimine le lutéome
de la grossesse, les kystes fonctionnels folliculaires et les kystes du corps
jaune qui sont liés à un dysfonctionnement hormonal.
La démarche diagnostique aura donc pour finalité d’éliminer dans un premier
temps un kyste fonctionnel et dans un deuxième temps d’affirmer la nature
bénigne ou maligne de la tumeur.
Si les tumeurs ovariennes sont fréquentes, regroupant des pathologies très
différentes, les cancers sont beaucoup plus rares. Environ 5 à 10 % des femmes
auront une tumeur ovarienne au cours de leur vie, et il s’agit le plus souvent
d’un kyste ovarien bénin.
L’ovaire est un organe complexe qui abrite de nombreux types cellulaires
différents : les cellules de la lignée germinale et les cellules thécales, les cellules stromales
(du tissu conjonctif) et les cellules épithéliales du mésothélium
recouvrant la surface de l’ovaire. C’est cette richesse tissulaire qui explique
la grande variété des tumeurs sur le plan histologique, physiopathologique et
pronostique.
Avec 4 375 nouveaux cas par an en France, le cancer de l’ovaire est le 2e
cancer gynécologique par ordre de fréquence après le cancer de l’endomètre. Son
incidence est de 8/100 000 femmes par an mais ce taux augmente avec l’âge et
atteint un maximum à 75 ans. On remarque une légère diminution
depuis 2000 en raison de l’augmentation de l’utilisation de la contraception
orale de ces générations de femmes, grâce à une diminution du nombre d’ovulations
liée à cette utilisation. Environ 10 % des cancers de l’ovaire surviennent dans
un contexte de prédisposition génétique. Enfin, sa découverte à un stade tardif
dans 75 % des cas (stade III) explique un nombre important de décès (3180 décès
par an) le plaçant au 5e rang des décès par cancer chez la femme.
Ils regroupent les kystes folliculaires en 1re partie de cycle
et les kystes du corps jaune ou kyste lutéal en 2e partie de cycle
(après l’ovulation). Ils disparaissent spontanément lors du contrôle
échographique et ne nécessitent aucun traitement.
Ils peuvent être de trois origines :
•
épithéliale : cystadénomes séreux, cystadénomes mucineux ou
endométriomes ;
•
germinale : les kystes dermoïdes ou tératomes
matures dérivent d’une cellule multipotente pouvant
être à l’origine de différents tissus présents au sein du kyste : gras, poils, cheveux,
os, dent… ;
• stromales : fibrothécomes.
Ces formes histologiques peuvent être à l’origine de tumeurs bénignes ou
plus rarement malignes et sont regroupées dans la classification OMS des
tumeurs ovariennes (tableau 19.1).
Tableau 19.1 Classification OMS 2003 des tumeurs de l’ovaire.
Tumeurs épithéliales |
Séreuses Mucineuses Endométrioïdes À cellules claires À cellules transitionnelles Épithéliales mixtes Indifférenciées |
Tumeurs germinales |
Tératomes Pluritissulaires : |
– matures |
|
– immatures |
|
Monotissulaires Struma ovarii (goitre ovarien) Tumeurs carcinoïdes Tumeurs neuroectodermiques Tumeurs germinales primitives Dysgerminome Tumeur vitelline Carcinome embryonnaire Choriocarcinome non gestationnel Polyembryome Tumeurs germinales mixtes |
|
Tumeurs du stroma gonadique et des
cordons sexuels et tumeurs stéroïdes |
Fibrome Thécome Fibrosarcome Tumeur stromale avec composante mineure des
cordons sexuels Tumeur stromale sclérosante Tumeur stromale à cellules en bague à chaton Tumeur des cordons sexuels Tumeur à cellules de la granulosa : |
– type adulte |
|
– type juvénile |
|
Tumeur à cellules de Sertoli-Leydig Tumeur à cellules de Sertoli Tumeur du stroma gonadique et des cordons sexuels de type mixte et formes
indifférenciées Gynandroblastome Tumeur à cellules de Sertoli avec tubes annelés Tumeur des cordons sexuels indifférenciée Tumeur à cellules stéroïdes Lutéome stromal Tumeur à cellules de Leydig Tumeur à cellules stéroïdes |
|
Tumeurs mixtes des cordons sexuels
et germinales |
Gonadoblastome Tumeur mixte des cordons sexuels et des cellules germinales |
Tumeurs du rete ovarii |
Adénome Adénocarcinome |
Autres |
Carcinomes à petites cellules Carcinome neuroendocrine à grandes cellules Carcinome hépatoïde kystique FATWO (tumeur wolfienne) Paragangliome Myxome Lymphomes Tumeurs conjonctives |
Ce sont les mêmes formes histologiques que celles décrites précédement dans leur version maligne et regroupées dans la
classification OMS des tumeurs ovariennes (tableau 19.1).
Ainsi, les formes les plus fréquentes sont les tumeurs épithéliales (90 %)
: cystadénocarcinomes séreux (forme la plus
fréquente), cystadénocarcinomes mucineux,
endométrioïdes ou à carcinomes à cellules claires.
Les tumeurs germinales ou des cordons sexuels sont plus fréquentes chez les
patientes jeunes : les tératomes indifférenciés, dysgerminomes,
tumeurs de la granulosa, choriocarcinome, gonadoblastome, etc. Ces tumeurs rares ont une prise en
charge spécifique et différente des tumeurs épithéliales.
Les métastases ovariennes représentent 10 % des tumeurs ovariennes malignes
et doivent être évoquées en cas de tumeur bilatérales mucineuses
: origine digestive colo-rectale ou gastrique
(syndrome de Krukenberg). Mais elles peuvent
également entrer dans le cadre d’un cancer du sein métastatique avec carcinose
péritonéale.
Dans la théorie de la cicatrisation, chaque ovulation crée un traumatisme
mineur sous forme d’une rupture au niveau de la surface épithéliale. Au cours
du processus de cicatrisation, des kystes d’inclusion d’épithélium ovarien
peuvent se former dans le stroma et être à l’origine d’une prolifération puis
de la transformation néoplasique. Une théorie plus récente est en faveur d’une
origine tubaire des cellules néoplasiques (STIC).
Lorsque le processus néoplasique franchit la corticale ovarienne, l’extension
va alors se faire vers les autres organes pelviens ainsi que vers l’ensemble de
la cavité péritonéale. Le cancer de l’ovaire passe donc très rapidement d’un
stade localisé à un stade généralisé à l’ensemble de la cavité péritonéale, au
gré du flux naturel du liquide péritonéal.
L’extension de ce cancer se fait également par drainage lymphatique : vers
les ganglions pelviens et lombo-aortiques.
Enfin, la dissémination hématologique est rare et intéresse essentiellement
les poumons, le foie et le cerveau.
Les facteurs de risque du cancer de l’ovaire regroupent également des
facteurs génétiques et des situations cliniques à risque :
•
la mutation des gènes BRCA 1 ou 2 est à l’origine
de cancers avant 60 ans. Ils seraient de meilleur pronostic, car plus chimiosensibles que les cancers sporadiques ;
•
plus rarement ils peuvent s’intégrer dans le syndrome de Lynch qui concerne
surtout les cancers colo-rectaux et de l’endomètre ;
•
les facteurs cliniques à l’origine d’une augmentation du nombre des cycles
sont également associés à une augmentation du risque : la nulliparité,
les règles précoces, la ménopause tardive et l’âge ;
•
attention à ne pas négliger les patientes prises en charge en fécondation
in vitro et notamment une stimulation par Clomid® ;
•
en revanche, la contraception orale, la grossesse, l’allaitement et la
ligature des trompes sont associés à une diminution du risque de cancer de l’ovaire.
Il n’existe aucun dépistage efficace dans le cancer de l’ovaire.
Il précise :
•
les antécédents personnels et familiaux de cancer gynécologique, de cancer
du sein, de cancer colo-rectal, âge lors des
premières règles (ménarches), gestité,
parité, statut ménopausique ± âge à la ménopause, contraception ou traitement
hormonal de la ménopause ;
•
l’existence de douleurs pelviennes et de troubles digestifs ;
• les circonstances de découverte : la découverte d’un kyste ovarien est le plus souvent fortuite, au cours d’une échographie ou la palpation d’une masse latéro-utérine lors d’un examen clinique. Plus rarement, la tumeur ovarienne peut entraîner une gêne, une pesanteur ou des douleurs pelviennes associées à une augmentation de volume de l’abdomen voire une ascite. Dans le cas de masses volumineuses, il peut également y avoir des signes compressifs : troubles urinaires (signes irritatifs) ou digestifs (constipation). Des troubles du cycle peuvent également être associés.
Il comporte :
•
la palpation abdominale à la recherche d’une masse pelvienne, d’une
hépato-splénomégalie ;
•
l’examen au spéculum : à la recherche d’une tumeur cervicale, de lésions
vaginales et de saignements ;
•
le toucher vaginal : recherche d’une masse pelvienne latéro-utérine,
d’une douleur. En cas de volumineuse masse, on complètera l’examen par un
toucher rectal à la recherche d’une tumeur rectale, de signes de compression
voire d’envahissement rectal (nodule de carcinose péritonéale) ;
•
la palpation des aires ganglionnaires inguinales et sus-claviculaires ;
•
la palpation bilatérale des seins à la recherche d’un nodule, ainsi que des
aires ganglionnaires axillaires en cas de tumeur suspecte.
Le premier examen diagnostique est l’échographie pelvienne, par voie
abdominale puis endovaginale. C’est l’examen de
première ligne qui permet de préciser la taille, localisation, forme, échostructure et vascularisation du kyste. Les signes
associés comme l’existence d’une ascite ou d’autres masses sont également
recherchés.
Critères échographiques en faveur d’un kyste fonctionnel : kyste
uniloculaire < 7 cm liquidien pur chez une patiente non ménopausée (figure 19.1).
________________________________________________________________________________Figure
19.1
Vue en cœlioscopie du pelvis visualisant un petit utérus de taille normale
et au premier plan un volumineux kyste ovarien d’allure organique avec une
corticale ovarienne lisse sans végétation ni anomalie de la vascularisation de
la corticale ovarienne en faveur de la bénignité.
Cette illustration est également reproduite dans le cahier couleur.
__________________________________________________________________________________
Critères échographiques en faveur d’un kyste organique : existence d’une
cloison, parois épaissies, contenu hétérogène, contours irréguliers,
vascularisation au Doppler ou taille ≥ 7 cm (figure 19.2).
________________________________________________________________________________Figure
19.2
Vue en cœlioscopie du pelvis visualisant un utérus de taille normale avec
au premier plan un ovaire de taille légèrement augmentée avec végétations
exokystiques, présence d’une ascite dans le Douglas et implants péritonéaux en
faveur d’une tumeur maligne de l’ovaire.
Cette illustration est également reproduite dans le cahier couleur.
__________________________________________________________________________________
Critères échographiques en faveur de la malignité : végétations endo- ou
exo-kystiques, ascite, adénopathies ou masse pelvienne associée (figure 19.3).
________________________________________________________________________________Figure
19.3
Vue en cœlioscopie de l’hypochondre droit visualisant une carcinose
péritonéale avec implants carcinomateux sur la coupole diaphragmatique.
Cette illustration est également reproduite dans le cahier couleur.
__________________________________________________________________________________
Une classification internationale « International Ovarian Tumor Analysis »
(IOTA) reprend ces critères et permet de discriminer des masses ovariennes
suspectes.
Ces critères sont à interpréter en fonction du statut ménopausique +++ et
de l’âge de la patiente.
Il n’est pas recommandé de réaliser une IRM pelvienne ou des marqueurs
tumoraux en dehors d’une suspicion de malignité à l’échographie, notamment pour
un kyste uniloculaire < 7 cm (recommandation du CNGOF de décembre 2013).
Chez une patiente non ménopausée, on demandera des β-HCG pour éliminer une grossesse extra-utérine.
En cas de kyste suspect, les marqueurs tumoraux demandés sont le CA125
(spécifique du cancer de l’ovaire), ACE et CA19-9. En cas de suspicion de
tumeur germinale, on pourra également demander : alphafœto-protéine, β-HCG, LDH.
Le bilan d’une tumeur ovarienne bénigne repose essentiellement sur un bilan
clinique précis et complet et une échographie pelvienne.
Elle dépend avant tout de l’aspect de la tumeur ovarienne et de la
symtomatologie.
En cas de kyste uniloculaire liquidien < 10 cm, une surveillance peut
être réalisée en l’absence de symptomatologie. Une kystectomie peut être
discutée chez une patiente symptomatique (la patiente doit être informée du
risque d’altération de la réserve ovarienne liée à une kystectomie).
En cas de tumeur non suspecte symptomatique, une kystectomie ou
annexectomie pourra être réalisée sous cœlioscopie selon la séquence suivante :
•
exploration complète de la cavité abdomino-pelvienne (coupoles
diaphragmatiques, gouttières pariéto-coliques, mésentère, péritoine du Douglas)
;
• cytologie péritonéale ;
• kystectomie ou annexectomie ;
•
extraction protégée (dans un sac) de la pièce opératoire ;
•
envoi de la pièce en anatomopathologie ;
•
pas d’examen extemporané en l’absence de signe suspect.
En cas de tumeur suspecte, une IRM pelvienne et des marqueurs tumoraux
permettront d’affiner le diagnostic et de guider la prise en charge. Une
cœlioscopie exploratrice pourra également compléter le bilan (cf. infra).
C’est une complication classique qui constitue une urgence chirurgicale en
raison du risque de nécrose ovarienne car c’est une torsion de l’ovaire autour
de son pédicule vasculaire. Les kystes dermoïdes sont les plus à risque en
raison de leur poids, alors que les endométriomes sont rarement à l’origine de
cette complication car les adhérences fréquemment associées diminuent la
mobilité des ovaires.
Les symptômes sont une douleur brutale non soulagée par les antalgiques
avec de possibles nausées, vomissements, associée à une défense abdominale. Le
tableau peut être précédé par des épisodes de subtorsion avec des douleurs
paroxystiques spontanément résolutifs dans les semaines précédentes. Attention
aux formes frustres ou incomplètes qui ne doivent pas éliminer à tort le
diagnostic. L’échographie ne montre la plupart du temps que le kyste et le
Doppler peut montrer une persistance du flux vasculaire sans éliminer le
diagnostic. Un ovaire tumoral ascensionné est quasiment pathognomonique de la
torsion, avec une masse douloureuse juste sous la paroi à la palpation et au
dessus du fond utérin à l’échographie. Les βHCG sont négatifs et éliminent une grossesse
extra-utérine.
Le traitement est une cœlioscopie en urgence pour détorsion ovarienne et
kystectomie avec risque d’annexectomie qui doit rester rare en cas de tumeur
non suspecte chez la femme en âge de procréer. En effet, si la patiente doit
être prévenue de cette possibilité, la nécrose ovarienne est rare.
Dans ce cas également, la douleur va être brutale et on retrouve une masse
latéro-utérine douloureuse, mais non ascensionnée. À l’échographie, le kyste
est hétérogène avec une plage hyperéchogène témoin d’un saignement
intrakystique récent.
Dans ce cas, la prise en charge est symptomatique et basée sur les
antalgiques et le repos.
Le tableau typique est une douleur paroxystique et brutale spontanément
résolutive. Souvent la douleur est passée au moment de l’examen et à l’échographie
il n’existe plus de kyste mais une lame d’épanchement liquidien dans le
cul-de-sac de Douglas.
Rarement il existe une rupture hémorragique avec une hémorragie active. Dans
ce cas, la douleur est persistante avec des signes d’irritation péritonéale et
un épanchement plus important. Il peut exister une anémie aiguë à l’hémogramme.
La prise en charge est chirurgicale avec une cœlioscopie exploratrice puis
opératoire pour faire l’hémostase et réaliser une kystectomie ovarienne.
Une volumineuse tumeur ovarienne peut entraîner une compression des organes
de voisinage, qui est plutôt en faveur du caractère malin. Des troubles
digestifs à type de constipation sont possibles en cas de compression rectale.
Une compression vesicale entraînera des signes irritatifs (pollakiurie). Il
peut également y avoir une compression urétérale entraînant une
urétérohydronéphrose.
La compression vasculaire n’est pas anecdotique et une thrombophlébite
pelvienne doit être systématiquement recherchée par écho Doppler en cas de
volumineuse masse pelvienne (cancer+++).
Une douleur pelvienne aiguë brutale chez une femme jeune doit faire
rechercher sans retard une torsion annexielle dont dépend le pronostic de l’ovaire.
Les signes cliniques initiaux sont malheuresement frustres et d’apparition
tardive et très progressive, à un stade avancé de la maladie.
Les signes les plus fréquents sont : augmentation du volume de l’abdomen,
douleur ou pesanteur pelvienne, perception d’une masse ou d’une ascite,
constipation voire un syndrome occlusif. Plus rarement, un œdème d’un membre
inférieur, une phlébite ou une sciatalgie par compression veineuse ou
radiculaire. Une dyspnée ou une douleur thoracique peuvent être en rapport avec
un épanchement pleural. Enfin, une altération de l’état général peut compléter
le tableau.
Le bilan clinique reprend les éléments cliniques précédents concernant les
tumeurs ovariennes bénignes avec une importance des éléments suivants :
•
rechercher les antécédents personnels et familiaux de cancers
gynécologiques et mammaires ;
•
rechercher une masse pelvienne à l’examen et réaliser un toucher rectal
pour rechercher une tumeur rectale (importance des formes secondaires), une
compression ou envahissement rectal, une carcinose péritonéale ;
•
examen mammaire bilatéral à la recherche d’un nodule, ainsi que des aires
ganglionnaires axillaires et sus-claviculaires (associations fréquentes avec un
cancer du sein) ;
•
rechercher des signes de dénutrition et les comorbidités.
Elle représente l’examen de première intention. Les critères échographiques
en faveur de la malignité sont : végétations endo- ou exo-kystiques, ascite,
adénopathies ou masse pelvienne associée (figure
19.3).
En cas de forme localisée, l’IRM pelvienne et abdominale jusqu’au pédicule
rénal permet au mieux de caractériser la tumeur (intérêt des séquences en perfusion
et en diffusion).
Lorsqu’il s’agit de formes évoluées, le problème est avant tout d’évaluer l’extension
de la maladie et le bilan d’extension repose alors sur le TDM-TAP avec
injection et le dosage du CA125.
On prescrit le CA125 mais également les marqueurs CA19-9 et ACE en cas de
tumeur épithéliale.
En cas de suspicion de tumeur germinale ou chez une femme jeune, on pourra
également demander : alphafœto-protéine, βHCG, LDH. À noter que le marqueur HE4 est en cours
d’évaluation et aurait une sensibilité et spécificité plus élevées que le
CA125.
Le cancer de l’ovaire est l’un des rares cancers dont le diagnostic n’est habituellement
pas obtenu en préopératoire. Ainsi, la cœlioscopie est fondamentale pour
établir le diagnostic, et complète le bilan d’extension par l’évaluation de la
carcinose péritonéale. Voilà pourquoi la réalisation d’une cœlioscopie à visée
diagnostique, pronostique et de stadification est l’élément clé du bilan
initial (encadré 19.1Encadré 19.1
Classification de FIGO 2014
I : Tumeur limitée aux ovaires :
•
IA : tumeur limitée à un seul ovaire avec capsule intacte et cytologie
péritonéale négative
•
IB : tumeurs des deux ovaires, capsules intactes et cytologie péritonéale
négative
• IC :
– IC1 : rupture capsulaire peropératoire
–
IC2 : rupture préopératoire ou tumeur à la surface ovarienne
–
IC3 : cellules malignes dans le liquide d’ascite ou de lavage péritonéal
II : Tumeur ovarienne étendue au pelvis :
•
IIA : implants ou extension à l’utérus et/ou aux trompes
•
IIB : extension aux autres organes pelviens
•
IIC : IIA ou IIB avec cellules malignes dans le liquide d’ascite ou de
lavage péritonéal
III : Atteinte péritonéale en dehors du pelvis et/ou métastases
ganglionnaires rétropéritonéales :
•
IIIA : métastases ganglionnaires rétropéritonéales et/ou atteinte
microscopique au-delà du pelvis :
– IIIA1 : métastases ganglionnaires rétropéritonéales
–
IIIA2 : atteinte microscopique extrapelvienne ± atteinte ganglionnaire
rétropéritonéale
■ IIIA (i) : métastases ≤ 10 mm
■ IIIA (ii) : métastases > 10 mm
•
IIIB : métastases péritonéales macroscopiques < 2 cm extrapelvienne ±
ateinte ganglionnaire rétropéritonéale
•
IIIC : métastases péritonéales macroscopiques > 2 cm ± ateinte
ganglionnaire rétropéritonéale y compris l’extension à la capsule hépatique ou
de la rate
IV : Métastases à distance excluant les métastases péritonéales
•
IVA : épanchement pleural avec cytologie positive
•
IVB : métastases parenchymateuses hépatique ou splénique, extension
extra-abdominales y compris atteinte des aires ganglionnaires inguinales et
ganglions en dehors de la cavité abdominale.
).
Lors de cette cœlioscopie, l’exploration abdomino-pelvienne permet une
évaluation précise de la carcinose péritonéale grâce à l’utilisation de scores
de carcinose péritonéale permettant d’évaluer la résécabilité des lésions. Des
biopsies des nodules de carcinose seront réalisées pour obtenir un diagnostic
histologique. En l’absence de carcinose péritonéale, une annexectomie
diagnostique et une cytologie péritonéale permettront d’obtenir un diagnostic.
Le cancer concerne un ou les deux ovaires. Il est nécessaire de réaliser
une stadification ou une restadification (en cas de tumeur déjà réséquée).
Cette stadification pourra être réalisée par cœlioscopie ou laparotomie en
fonction des situations et comprend :
•
une exploration abdomino-pelvienne complète ;
•
une hystérectomie avec annexectomie bilatérale ;
•
des curages pelviens et lombo-aortiques ;
•
une omentectomie (exérèse du grand épiploon) ;
• une appendicectomie ;
•
des biopsies péritonéales multiples et cytologie péritonéale.
Importance de référer la patiente dans un centre expert pour la prise en
charge des cancers de l’ovaire. Le cancer est diagnostiqué à un stade de
carcinose péritonéale. Dans ce cas, toute la stratégie repose sur une cœlioscopie
exploratrice permettant de coter la carcinose péritonéale en utilisant des
scores de carcinose péritonéale.
On distingue alors deux situations :
•
maladie résécable : une chirurgie de cytoréduction complète par laparotomie
xypho-pubienne peut être organisée généralement dans les 15 jours suivant la
cœlioscopie et une information complète des gestes à réaliser peut être
délivrée à la patiente (nécessité de résection intestinale). Il convient de
profiter du délai entre la cœlioscopie et la chirurgie d’exérèse pour renutrir
la patiente (régime hyperprotidique pendant 7 jours) ;
•
maladie non résécable : il est impossible de retirer toute la maladie
péritonéale ou l’intervention serait associée à une morbidité trop importante
pour la patiente. Dans ce cas, une chimiothérapie néo-adjuvante est réalisée et
la résécabilité sera réévaluée après 3 cycles de chimiothérapie dans le but de
réaliser la chirurgie de cytoréduction à ce moment là (chirurgie d’intervalle).
Le médecin référent doit présenter le dossier en réunion de concertation
pluridisciplinaire (RCP) afin de valider la prise en charge thérapeutique. Il
présente alors à la patiente un plan personnalisé de soin (PPS) expliquant les
principes de la prise en charge :
•
consultation oncogénétique chez les patientes de moins de 70 ans ;
•
prise en charge à 100 % et soins de support ++ (ensemble de soins et
soutiens nécessaires aux personnes malades) :
•
prise en charge nutritionnelle et rééducation postopératoire
(kinésithérapie respiratoire ++),
•
prise en charge de la douleur et éventuels soins palliatifs,
• prise en charge psychologique.
Il est globalement sombre avec une survie de 45 % à 5 ans tout stade
confondu : 85 % au stade I, 60 % au stade II, 35 % au stade III et 20 %
seulement au stade IV.
Le pronostic est directement lié à la résecabilité de la maladie et le
facteur pronostique le plus important dans les études est le résidu tumoral
postopératoire. Les autres facteurs pronostiques sont le type histologique, le
grade, la réponse à la chimiothérapie, l’âge et l’état général de la patiente.
À noter que le pronostic des patientes est amélioré par la prise en charge
dans des centres experts car le taux de résection complète de première
intention ou après chimiothérapie néo-adjuvante est supérieur à 70 %. Or, la
résection complète est l’élément pronostique le plus important.
Le suivi des patientes traitées repose sur l’examen clinique et le dosage
des marqueurs si initialement élevés (CA 125), tous les 4 mois pendant 2 ans,
puis tous les 6 mois pendant 3 ans puis annuel. Aucun examen radiologique n’est
systématique et dépendra du risque de récidive et des symptômes.
Devant un diagnostic de cancer de l’ovaire avant 70 ans ou avec un contexte
familial de cancer du sein ou de l’ovaire, la recherche d’une mutation BRCA 1
ou 2 est recommandée.
En cas de mutation BRCA 1 ou 2, un suivi est mis en place à partir de 30
ans et comprend un examen gynécologique et mammaire bi-annuel ainsi qu’un bilan
d’imagerie annuel. Une échographie pelvienne endovaginale et une surveillance
annuelle du CA125 doit être proposée. Une annexectomie peut être également
proposée à partir de 40 ans en cas de mutation de BRCA 1 et 45 ans en cas de
mutation de BRCA 2.
________________________________________________________________________________
Points clés
•
Tumeurs épithéliales (cystadénocarcinomes séreux++) dans 90 %.
•
75 % de diagnostics à un stade avancé → pronostic sombre.
•
L’extension se fait par voie péritonéale et lymphatique.
•
La cœlioscopie permet le diagnostic et l’extension péritonéale.
•
Le facteur pronostique principal est le résidu tumoral postopératoire.
•
Une enquête oncogénétique doit être demandée chez toute patiente ayant un
cancer de l’ovaire diagnostiqué avant 70 ans.
__________________________________________________________________________________
à côté des tumeurs bénignes et des tumeurs malignes, il existe une variété
tumorale particulière à l’ovaire, les tumeurs borderlines ovariennes (TBO) ou
tumeurs frontières de l’ovaire (TFO) qui se situent entre les lésions
morphologiquement bénignes et les tumeurs malignes.
Elles doivent être individualisées en raison de leur fréquence, de leur âge
de survenue (inférieur à celui des tumeurs malignes) et surtout de leur
excellent pronostic par rapport à celui des tumeurs malignes.
L’IRM pelvienne est d’un apport diagnostique majeur par l’analyse des
séquences en diffusion et en perfusion. Aucun critère macroscopique pris
isolément ne permet de les différencier d’une part d’un cystadénome papillaire
bénin et d’autre part des tumeurs malignes ou cystadénocarcinomes. C’est donc l’analyse
histologique qui permettra de faire le diagnostic. Ce diagnostic histologique
est difficile et peut nécessiter la relecture d’un expert.
Dans 20 % à 40 % des cas, la tumeur est associée à des localisations
extra-ovariennes, sous forme d’implants péritonéaux, qu’il ne faut pas
confondre avec des lésions de carcinose péritonéale. Tout comme dans le cancer
ovarien, il faut réaliser une stadification ou restadification péritonéale
complète par voie cœlioscopique comprenant :
•
exploration complète de la cavité péritonéale ;
•
cytologie péritonéale et biopsies péritonéales ;
•
kystectomie ou annexectomie uni- ou bilatérale en fonction des situations ;
• omentectomie infracolique ;
•
pas de curage nécessaire dans cette pathologie ;
•
appendicectomie en cas de forme mucineuse.
Les éléments pronostiques des TBO sont le type histologique et surtout la
présence d’implants invasifs, d’où l’importance de la stadification initiale.
Ces éléments permettront chez des femmes souvent jeunes de décider d’un
traitement conservateur, contrairement au cancer ovarien où le traitement est
le plus souvent radical.
La découverte d’une tumeur ovarienne peut correspondre à plusieurs
situations complètement différentes sur le plan de la prise en charge et du
pronostic. L’échographie est l’examen de première ligne et doit préciser s’il s’agit
d’une tumeur probablement bénigne ou s’il existe des signes suspects de
malignité. Une IRM pourra alors compléter le bilan et préciser les
caractéristiques morphologiques. La cœlioscopie exploratrice et l’exérèse de la
tumeur permettront d’obtenir un diagnostic histologique et éventuellement l’extension
intrapéritonéale. À l’issue de ce diagnostic histologique, on pourra distinguer
trois situations : tumeur bénigne, tumeur maligne ou tumeur borderline et
adapter la prise en charge.
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Points clés
•
La découverte d’une tumeur de l’ovaire est le plus souvent fortuite.
•
Le pronostic du cancer de l’ovaire dépend du stade au moment du diagnostic.
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Actuellement, plus de 2/3 des cancers sont diagnostiqués aux stades II-III.
•
Le stade est évalué chirurgicalement.
•
Le traitement repose le plus souvent sur une association
chirurgie-chimiothérapie.
•
L’enquête onco-génétique doit être proposée à toute femme ayant un cancer
de l’ovaire avant 70 ans.
•
Intérêt des centres experts pour la prise en charge des cancers de l’ovaire.
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