I. Pour comprendre
II. Orientation diagnostique
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Objectif pédagogique
Devant les algies pelviennes
chez la femme, argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier
les examens complémentaires pertinents.
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Les étiologies des douleurs pelviennes aiguës (DPA) sont nombreuses, d’origine
gynécologique, urinaire ou digestive pour la plupart. Du fait de leur gravité
potentielle, pouvant engager le pronostic vital de la patiente, le pronostic de
l’ovaire ou bien le pronostic de fertilité de la patiente, quatre étiologies
sont à évoquer en priorité : grossesse extra-utérine (GEU), torsion d’annexe,
infection génitale haute (IGH) et appendicite aiguë.
Même si pour certains, une douleur aiguë est une douleur évoluant depuis
moins de 6 mois, pour d’autres depuis moins d’une semaine, pour la plupart des
auteurs, les douleurs pelviennes aiguës (DPA) correspondent à des douleurs
évoluant depuis moins d’un mois. Elles sont localisées au niveau de l’hypogastre
et/ou de la fosse iliaque droite et/ou de la fosse iliaque gauche.
De par leur fréquence et/ou leur gravité, quatre diagnostics principaux
sont à évoquer en cas de DPA chez la femme : GEU, torsion d’annexe, IGH et
appendicite aiguë.
D’autres causes sont possibles et doivent être recherchées. Elles peuvent
être d’origine gynécologique (complications des fibromes ou des kystes
ovariens), liées à une grossesse (fausse couche spontanée), d’origine
urologique (pyélonéphrite, colique néphrétique) voire d’origine rhumatologique.
Elles sont résumées dans le tableau 8.1.
Tableau 8.1 Étiologies des douleurs pelviennes aiguës de la femme.
Principales affections responsables de douleurs pelviennes aiguës chez la
femme |
Étiologies secondaires à une grossesse |
Grossesse extra-utérine Fausse couche spontanée Rétention post-fausse couche Endométrite du post-partum ou du post-abortum Complication de corps jaune gestationnel (corps jaune hémorragique, kyste
du corps jaune et ses complications) |
Étiologies infectieuses |
Infection génitale haute (salpingite, endométrite, pelvipéritonite, abcès
tubo-ovarien) Appendicite Pyélonéphrite aiguë, infection urinaire basse |
Étiologies annexielles |
Torsion d’annexe Complications des kystes ovariens (hémorragie intra-kystique, rupture de
kyste, torsion d’annexe) Dysovulation |
Étiologies secondaires à la présence d’un fibrome |
Nécrobiose aiguë Torsion d’un myome sous-séreux pédiculé Accouchement d’un myome sous-muqueux par le col utérin |
Étiologies urologiques |
Colique néphrétique Pyélonéphrite aiguë, infection urinaire basse |
Causes rares |
Sacro-iléite bactérienne Ostéite Anévrisme de l’artère iliaque Infection d’un kyste de l’ouraque |
D’après Huchon C. et al. Algies pelviennes aiguës de la femme : orientation
diagnostique et conduite à tenir. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Gynécologie, 162-A15, 2010.Dans un quart à près de la moitiés
des cas, l’origine de ces DPA n’est pas retrouvée.
L’interprétation sémiologique d’une douleur pelvienne est rendue difficile par la proximité des organes pelviens et par une innervation proche. Trois principales voies efférentes sont en jeu :
•
plexus pelvien (vagin, col et isthme utérins, ligaments utéro-sacrés,
cul-de-sac de Douglas, bas uretères, trigone vésical, rectosigmoïde) : douleur
sacrée ou périnéale ;
•
plexus hypogastrique (corps utérin, tiers proximal des trompes, ligament
large, calotte vésicale) : douleur hypogastrique ;
•
plexus aortique (ovaires, portion distale des trompes, uretères
rétroligamentaires) : douleurs en fosse iliaque, flancs et fosses lombaires.
Il est essentiel et doit apporter toutes les précisions utiles concernant
la douleur, en particulier :
•
Préciser son caractère aigu, chronique ou cyclique.
•
Mesurer son intensité : une échelle numérique verbale allant de 0 à 10 ou
une échelle visuelle analogique (EVA) sont fréquemment utilisées. La mesure de
l’intensité de la douleur peut permettre un tri des urgences vitales : ainsi,
la douleur est habituellement très intense en cas de torsion d’annexe alors qu’elle
sera modérée dans une IGH.
•
Décrire son mode de début : un début progressif oriente volontiers vers une
IGH ou une appendicite aiguë alors qu’un début brutal doit faire rechercher en
priorité une complication « mécanique » de kyste ovarien (rupture, torsion) ou
une rupture de GEU.
•
Préciser son heure de début et sa durée d’évolution : une douleur d’évolution
brève est classique en cas de complication d’un kyste ovarien alors qu’une
douleur évoluant depuis plus de 4 jours est en faveur d’une IGH. L’heure de
début des douleurs a peu d’importance en termes d’orientation diagnostique,
mais a un impact pronostique important en cas de torsion d’annexe.
•
Préciser sa topographie : l’orientation topographique de la douleur est
rendue difficile par le mode d’innervation des organes pelviens (cf. physiopathologie) :
–
cependant, le caractère unilatéral est plus en faveur d’une pathologie
annexielle, alors que la douleur est volontiers diffuse à l’ensemble du pelvis
en cas d’IGH,
–
une douleur avec irradiation lombaire doit faire rechercher en priorité une
origine urinaire, mais peut également se voir en cas de torsion d’annexe,
–
des scapulalgies doivent faire rechercher un épanchement intrapéritonéal,
et en cas de GEU, faire suspecter une rupture tubaire avec hémopéritoine.
•
Rechercher des signes associés à la douleur :
–
des métrorragies chez une femme enceinte orientent en priorité vers une
complication de la grossesse (fausse couche, GEU). Les métrorragies sont
fréquentes en cas d’IGH et peuvent masquer des leucorrhées qui, bien que
fréquentes, sont inconstantes dans ce contexte,
–
un syndrome fébrile : doivent en premier lieu être évoquées appendicite
aiguë, IGH et pyélonéphrite. Alors qu’une température normale est rare dans une
appendicite aiguë, l’absence d’hyperthermie est fréquente dans les IGH et la
normalité de la température ne doit pas faire éliminer ce diagnostic,
–
nausées et vomissements sont aspécifiques et peuvent être liés à une
pathologie digestive (appendicite aiguë) ou à une origine vagale accompagnant
une douleur intense (torsion d’annexe). Un arrêt du transit est volontiers
retrouvé en cas d’origine digestive à la douleur, alors que la présence d’un
ténesme rectal en cas d’IGH doit faire rechercher un abcès tubo-ovarien (ATO),
–
des signes cliniques urinaires sont fréquemment présents en cas d’origine
urologique à la douleur, mais peuvent également être présents en cas d’IGH
(urétrite associée).
•
Rechercher des facteurs favorisants d’une pathologie :
–
les facteurs favorisants une IGH sont un antécédent d’infection
sexuellement transmissible, des premiers rapports sexuels précoces et un grand
nombre de partenaires sexuels. Des manœuvres endo-utérines récentes
(aspiration, hystéroscopie, pose de dispositif intra-utérin (DIU),
hystérosalpingographie…) peuvent orienter vers une IGH iatrogène,
– les facteurs favorisants une GEU sont un antécédent de GEU, d’IGH et le tabac. Un antécédent de chirurgie tubaire peut augmenter le risque de développer une GEU. L’utilisation d’un DIU peut également orienter vers une GEU,
–
les torsions d’annexe sont rares sur annexe saine. L’apparition d’une
douleur brutale chez une patiente se sachant porteuse d’un kyste ovarien doit
orienter en priorité vers une torsion.
________________________________________________________________________________Figure
8.1
Orientation diagnostique devant une douleur pelvienne aiguë.
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Il doit rechercher en premier lieu des signes de gravité, car la douleur
peut révéler une pathologie mettant en jeu le pronostic vital de la patiente,
avant de rechercher la cause de la douleur.
Elle doit être effectuée dès la prise en charge initiale de la patiente.
Une hémodynamique instable doit faire évoquer un hémopéritoine important. Si l’état
clinique de la patiente le permet, une confirmation échographique en urgence
doit être réalisée. Sinon, une indication de chirurgie en urgence doit être
posée pour traiter un hémopéritoine massif (rupture hémorragique de kyste
ovarien, rupture de GEU). La tachycardie précède la chute de la pression
artérielle et doit être considérée comme un élément de gravité.
Les signes d’irritation péritonéale, la présence d’une défense ou d’une
douleur de rebond ne sont pas spécifiques. En cas de test de grossesse positif,
cela doit orienter en priorité vers une rupture de GEU avec hémopéritoine et
peut justifier une prise en charge chirurgicale en urgence.
En cas de pathologie annexielle, une torsion doit être évoquée en premier
lieu.
Dans un contexte d’IGH, ces signes doivent orienter vers une forme
compliquée (ATO, pelvipéritonite). En cas de latéralisation à droite, on
cherchera une appendicite aiguë.
L’examen au spéculum recherche des leucorrhées et/ou métrorragies (cf. signes
associés). Des leucorrhées et/ou une cervicite doivent faire évoquer une IGH
mais peuvent être absents ; l’IGH peut également être masquée par des
métrorragies retrouvées chez près de la moitié des patientes présentant une
IGH.
Dans le cas d’une complication d’un kyste ovarien, la douleur est
classiquement unilatérale, une masse peut être palpée. En cas de complication
de fibromes, la douleur est plutôt médiane, déclenchée à la palpation d’un
utérus bosselé, augmenté de taille. La douleur peut néanmoins être latéralisée
en cas de torsion d’un myome sous séreux pédiculé.
Le toucher vaginal est capital en cas de suspicion d’IGH. Aucun élément
clinique ou paraclinique n’étant pathognomonique de cette pathologie, le
diagnostic repose essentiellement sur une douleur provoquée à la palpation ou à
la mobilisation utérine. On retrouve également fréquemment une douleur à la
palpation annexielle, le plus souvent bilatérale. Dans l’appendicite aiguë, la
douleur déclenchée au toucher vaginal reste classiquement latéralisée à droite.
Chez toute femme en période d’activité génitale, un test de grossesse
qualitatif est indispensable et doit être effectué en priorité. Négatif, il
permet d’éliminer une GEU.
En premier lieu, un test qualitatif urinaire peut être réalisé. Ces tests
ont l’avantage d’une bonne sensibilité et d’une bonne spécificité pour un coût
réduit.
Le dosage quantitatif plasmatique des hCG a son intérêt dans l’interprétation
d’une vacuité utérine à l’échographie dans un contexte de grossesse de
localisation indéterminée. En effet, le seuil de visibilité échographique d’une
grossesse intra-utérine classiquement retenu est de 1 500 IU/mL. Au-delà de ce
seuil, une GEU doit être très fortement suspectée. Si le taux est inférieur à
ce seuil, et la patiente paucisymptomatique, une surveillance ambulatoire avec
contrôle de l’évolution de la cinétique des hCG plasmatiques quantitatifs à 48
h sera mise en place pour distinguer une grossesse intra-utérine évolutive d’une
grossesse intra-utérine arrêtée ou d’une GEU.
L’hyperleucocytose est quasi constante en cas d’appendicite aiguë alors qu’elle
est fréquemment absente dans les IGH simple (une hyperleucocytose en cas d’IGH
doit faire rechercher une forme compliquée). Pouvant aussi témoigner d’une
nécrose, une hyperleucytose peut être rarement retrouvée en cas de torsion d’annexe.
L’anémie oriente vers un hémopéritoine et l’évaluation du taux d’hémoglobine
est capitale dans la prise en charge de l’hémopéritoine (transfusion ?).
Traduisant un syndrome inflammatoire, elle est fréquemment augmentée en cas
de pathologie infectieuse (IGH ou appendicite aiguë). Néanmoins, sa normalité n’élimine
ni l’un ni l’autre de ces diagnostics.
Une élévation importante en cas d’IGH est corrélée à la présence d’une
forme compliquée d’un ATO.
Les prélèvements bactériologiques (prélèvements vaginaux et endocervicaux,
avec mise en culture et techniques d’amplification des acides nucléiques pour
recherche de gonocoque, Chlamydia
trachomatis et Mycoplasma genitalium)
sont indispensables en cas de suspicion d’IGH. En cas de présence d’un DIU dans
un contexte d’IGH, une ablation est recommandée avec analyse bactériologique de
celui-ci.
Elle est indispensable orientant vers une pathologie urinaire infectieuse
en cas de présence de nitrites et d’une leucocyturie. Elle oriente vers une
colique néphrétique en cas d’hématurie.
C’est l’examen morphologique de choix dans les DPA.
En cas d’instabilité hémodynamique et de suspicion d’hémopéritoine, elle
doit être réalisée en urgence afin de le confirmer. Néanmoins, sa réalisation
ne doit pas retarder une prise en charge chirurgicale urgente.
Dans le cas de l’appendicite aiguë, elle peut être utile mais reste
opérateur-dépendant. Devant une hématurie à la bandelette urinaire, une
échographie des voies urinaires doit être réalisée.
Dans le cas des pathologies gynécologiques, elle est réalisée par voie
abdominale et par voie endovaginale (sauf chez les patientes n’ayant jamais eu
de rapports sexuels).
Dans le cadre d’une DPA d’origine annexielle, une image annexielle
pathologique est le plus souvent retrouvée. Les torsions sur annexe saine sont
rares. En cas de rupture de kyste ovarien, un épanchement pelvien est
recherché.
L’échographie est indispensable dans la prise en charge d’une IGH. Elle
peut montrer des signes positifs (épaississement de la paroi tubaire,
épanchement intratubaire, etc…) mais leur présence est inconstante. Elle reste
néanmoins indispensable pour rechercher une forme compliquée (ATO) dont la
taille pourra faire poser l’indication d’un drainage.
Couplée à la biologie, l’échographie est essentielle à la prise en charge d’une
GEU. Elle recherche une grossesse intra-utérine évolutive (signée par la
présence d’une vésicule vitelline ou d’un embryon dans un sac gestationnel
intra-utérin). En cas d’absence de cette image, avec un taux d’hCG plasmatiques
supérieur à 1 500 UI/mL, une GEU doit être recherchée. Les signes directs sont
la visualisation d’un sac extra-utérin avec éventuellement un embryon. Les
signes indirects sont la présence d’une masse latéro-utérine témoignant d’un
hématosalpinx, un hémopéritoine et un utérus vide.
L’échographie est également l’élément essentiel qui pourra orienter vers
une complication de fibrome utérin.
L’effet Doppler est associé à l’échographie. Les flux Doppler peuvent être
modifiés au niveau des artères utérines en cas d’IGH. Cependant, son intérêt
est plus classique dans les torsions d’annexe. En cas de suspicion de torsion d’annexe,
un arrêt des flux signe une torsion. Cependant, la persistance d’un flux n’élimine
pas le diagnostic de torsion (interruptions veineuses).
En cas de doute diagnostique entre une grossesse arrêtée et une GEU, la
recherche de villosités choriales peut éliminer une GEU si cette recherche est
positive.
En cas de suspicion d’IGH avec une forme pauci symptomatique et de doute
diagnostique, des signes histologiques d’endométrite peuvent être recherchés.
Cet examen peut être utile dans les cas de doute entre une IGH et une
appendicite aiguë dans un contexte de douleurs fébriles de la fosse iliaque
droite. Dans le cas d’un doute sur un ATO compliquant une IGH, cet examen peut
également être effectué.
Même si elle reste largement au centre de leurs traitements, la cœlioscopie
n’a plus de place en première ligne dans les explorations des DPA. Elle peut
néanmoins être utile en cas de doute diagnostique d’une IGH ou d’une
appendicite aiguë. Sa réalisation est également possible en cas de mauvaise
évolution en cours de traitement médical d’une IGH.
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Points clés
• La torsion d’annexe :
–
douleur intense de début brutal,
– vomissements, défense abdominale,
– échographie : pathologie annexielle,
–
cœlioscopie : diagnostic de certitude et traitement.
• L’infection génitale haute :
–
infection de l’ensemble du pelvis : endomètre + trompe droite + trompe
gauche,
–
infection sexuellement transmissible dans la plupart des cas,
–
aucun élément clinique ou paraclinique pathognomonique,
–
douleur au toucher vaginal (douleur à la mobilisation utérine et/ou à la
palpation annexielle),
–
traitement médical dans les formes non compliquées, drainage des abcès si
forme compliquée.
• La grossesse extra-utérine :
–
diagnostic à éliminer devant toute DPA chez une femme en âge de procréer :
hCG,
–
instabilité hémodynamique : chirurgie en urgence,
–
diagnostic = couple hCG plasmatiques quantitatifs/échographie.
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