I. Pour comprendre
II. Première consultation du couple infertile
III. Bilan paraclinique de première intention
IV. Bilan préconceptionnel et pré-AMP
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Objectif pédagogique
Savoir argumenter la démarche
médicale et les examens complémentaires de première intention nécessaire au
diagnostic et à la recherche étiologique.
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L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit l’infertilité par l’absence
de grossesse après plus de 12 mois de rapports sexuels réguliers sans
contraception. Ainsi, l’infertilité est à différencier de la stérilité, qui,
elle est définie par l’incapacité totale pour un couple d’obtenir un enfant.
Ainsi, on parle d’infertilité quand un couple a des difficultés pour concevoir
un enfant. L’infertilité n’a pas le caractère irréversible de la stérilité, qui
pour un couple ne peut être affirmée au sens strict, qu’au terme de leur vie
reproductive.
Un couple sur cinq en France est amené à consulter pour infertilité, mais
seuls environ 4 % de ces couples seront vraiment considérés comme stériles. En
pratique, il faut éviter d’employer le terme de stérilité, qui est un terme
traumatisant pour les couples. Il faut bien avoir à l’esprit que le couple
consultant pour infertilité subit souvent une pression sociale et parfois
familiale, avec très rapidement un retentissement de cette infertilité sur le
plan psychosocial avec des troubles dépressifs, un sentiment d’isolement social,
de l’anxiété, une diminution de l’estime de soi voire de la culpabilité.
Chez la femme, les trois facteurs pronostiques principaux ayant une
influence sur sa fertilité sont l’âge, le poids et le tabagisme.
•
L’âge de la femme est un des facteurs pronostiques les plus importants car
la réserve ovarienne en follicules ovariens diminue de façon physiologique avec
l’âge, et entraîne une diminution de la fertilité de la femme. Ainsi, la
fertilité d’une femme est maximale avant 25 ans, commence à diminuer dès 26–30
ans et chute après 35 ans pour devenir presque nulle après 45 ans.
•
Le poids a une influence sur la fertilité. Un indice de masse corporelle
(IMC) supérieur à 30 diminue par 4 les chances de grossesse par rapport à
une femme ayant un IMC normal. De la même façon, un IMC trop bas diminue aussi
la fertilité en entraînant des troubles de l’ovulation.
•
Le tabac diminue les chances de grossesse de façon dose-dépendante en
augmentant le délai moyen pour concevoir, tout en augmentant les risques
obstétricaux : risque d’avortement spontané précoce, de grossesse
extra-utérine, de retard de croissance intra-utérin, d’hématome
rétroplacentaire, de mort fœtale in utero.
Certaines pathologies gynécologiques ou endocriniennes peuvent être des
causes d’infertilité :
•
les troubles de l’ovulation comme le syndrome des ovaires polykystiques,
les hyperprolactinémies, les aménorrhées hypothalamiques (cf. cours
Aménorrhées) ;
•
les causes tubaires, du fait de séquelles d’une infection utéro-annexielle
haute (cf. Chapitre Salpingite) ;
•
l’endométriose pelvienne est une pathologie gynécologique complexe due à du
tissu endométrial ectopique qui peut proliférer et envahir le péritoine, les
ovaires, voire les organes pelviens (exemples : sigmoïde, rectum, cloison
recto-vaginale, vessie). L’endométriose, source de dysménorrhée et d’algies
pelviennes chroniques, peut être une cause d’infertilité d’origine directe
(exemples : lésion des trompes par des adhérences, diminution de la réserve
ovarienne du fait de kystectomies répétées pour endométriomes) ou indirecte du
fait d’un climat inflammatoire péritonéal à l’origine de troubles de l’implantation
embryonnaire. Cette pathologie toucherait environ 4 % des femmes, mais serait
retrouvée chez environ 30 à 50 % des femmes infertiles.
La qualité du sperme est en relation directe avec la fertilité d’un homme.
Les spermatozoïdes sont très sensibles à la chaleur (exemples : certaines
professions comme boulanger, effet nocif des hammams trop fréquents !) et aux
toxiques environnementaux : tabac, alcool, exposition professionnelle (exemples
: pesticides, hydrocarbures, solvants).
Le taux de fécondabilité augmente avec la fréquence des rapports. Des
rapports sexuels un jour sur deux pendant la fenêtre de fertilité (les 5 jours
précédant l’ovulation) optimisent les chances de grossesse.
Une dysfonction sexuelle dans le couple serait responsable de 2,8 % des
infertilités. Des troubles sexuels chez la femme peuvent être responsables d’une
absence de rapports, par exemple en cas de vaginisme ou d’une raréfaction des
rapports en cas de dyspareunie due à de l’endométriose. Chez l’homme, il faut
rechercher une dysfonction érectile si l’interrogatoire rapporte une faible
fréquence des rapports sexuels.
D’autre part, la première consultation a lieu généralement après de
nombreux mois d’essais, avec une organisation de la vie sexuelle autour de l’ovulation
; beaucoup de femmes achètent des tests d’ovulation en pharmacie. La sexualité
d’un couple se sentant infertile risque de s’appauvrir avec des périodes du
cycle menstruel où la sexualité sera programmée et presque mécanique ; et des
périodes du cycle où les rapports seront vécus par certaines femmes comme «
inutiles » car sans aucune chance de grossesse. Ainsi, plus le désir de
grossesse est ancien, moins les couples ont de rapports sexuels. En
consultation, questionner un couple sur la fréquence de leurs rapports sexuels
permet d’une part d’appréhender les chances de grossesse spontanée et d’autre
part de dépister l’existence d’une dysfonction sexuelle dans le couple, parfois
apparue au moment du désir d’enfant.
Selon la définition de l’OMS, Il est licite de commencer les explorations
après 1 an d’infertilité, après s’être assuré de la régularité des rapports
sexuels dans le couple. Pendant longtemps, il était admis qu’un bilan d’infertilité
complémentaire n’était indiqué qu’après un délai de 18 mois à 2 ans de rapports
réguliers sans contraception, car 80 % des couples auront conçu spontanément
dans ce délai. Cependant, il faut savoir ne pas non plus faire perdre du temps
au couple, surtout si l’âge de la femme est supérieur à 35 ans, ou si l’interrogatoire
vous révèle des facteurs de risque d’infertilité (exemples : salpingite, cure
de cryptorchidie dans l’enfance).
La première consultation pour infertilité doit absolument concerner le
couple, car beaucoup de femmes consultent seules !
Le but de la première consultation va être de vérifier que toutes les
conditions nécessaires à une fécondation naturelle sont réunies, de dépister
des facteurs de risque et des pathologies qui pourraient retentir sur la
fertilité et une future grossesse, de vérifier les vaccinations et de mettre en
place des mesures de prévention préconceptionnelles (exemples : arrêt du tabac,
régime, activité sportive).
Il faut préciser l’ancienneté de l’infertilité (souvent la date d’arrêt de
la contraception), son caractère primaire (absence de grossesse dans le couple)
ou secondaire (antécédent de grossesse dans le couple, quelle qu’en soit l’issue).
Bien demander la fertilité antérieure du couple, mais aussi de l’homme et de la
femme (exemples : IVG, GEU) avant leur vie commune.
Demander la fréquence des rapports sexuels dans un couple permet non
seulement d’estimer les chances de grossesse spontanée, mais aussi de dépister
une dysfontion sexuelle ou de mettre en lumière une conjugopathie.
L’interrogatoire précisera :
• son âge ;
•
ses antécédents gynécologiques : gestité, parité, antécédent d’IST, de
salpingite, antécédent de chirurgie pelvienne à risque d’adhérences (péritonite
appendiculaire, myomectomie) ou de chirurgie ovarienne à risque d’insuffisance
ovarienne ;
• la durée et la régularité de ses cycles pour rechercher un trouble de l’ovulation ;
• l’existence d’une dysménorrhée, d’une dyspareunie profonde pouvant évoquer une endométriose ;
• l’exposition à des toxiques : tabac, cannabis, alcool ;
• les antécédents médicaux pouvant retentir sur une future grossesse ou nécessitant une programmation de la grossesse : diabète, épilepsie, maladies auto-immunes ;
• des antécédents familiaux pouvant être héréditaires : pathologies génétiques, thrombophilies / antécédents thrombo-emboliques, ménopause précoce, cancer du sein, diabète…
• l’existence d’un suivi gynécologique antérieur, la date de son dernier frottis cervico-utérin.
L’examen clinique précisera :
• le morphotype, la taille et le poids pour calcul de l’IMC, recherche de signes cliniques d’hyperandrogénie (hirsutisme, acné) ;
• un examen des seins avec recherche d’une galactorrhée s’il existe des troubles du cycle ;
• un examen gynécologique : malformation génitale, signes indirects d’endométriose (ex. : utérus rétroversé, douleurs au TV) ;
• un frottis cervico-utérin de dépistage si le dernier date de plus de 3 ans.
L’interrogatoire précisera :
• âge, profession (exposition à des toxiques, à la chaleur, aux pesticides ou polluants organo-chlorés) ;
• prise de toxiques : tabac, alcool, drogues ;
• antécédents génitaux : ectopie testiculaire / cryptorchidie, torsion ou traumatisme testiculaire, malformations, infections (IST, oreillons), chimiothérapie, radiothérapie…
L’examen clinique sera complet et évaluera en particulier :
• le morphotype, la taille, le poids, l’IMC, la pilosité, la recherche d’une gynécomastie ;
• un examen génital : varicocèle, verge, volume testiculaire (orchidomètre de Prader), présence des épididymes, des canaux déférents.
Le bilan d’infertilité de première intention permet le plus souvent de déterminer la ou les cause(s) de l’infertilité du couple. En fonction des résultats, d’autres examens pourront être indiqués à but étiologique (exemple : recherche d’une mucoviscidose en cas d’azoospermie pour agénésie des déférents) ou à but préconceptionnel afin d’orienter la technique de prise en charge en assistance médicale à la procréation (AMP) du couple.
• La courbe de température ou courbe ménothermique (voir chapitre 9 ; figure 9.1) : c’est un examen de débrouillage, classiquement réalisé pendant 3 mois, qui permet de savoir si les cycles sont ovulatoires. La température doit être prise tous les matins au réveil avant le lever, avant d’être notée sur une feuille de température. Au cours d’un cycle normal, la température après les règles est autour de 36,5 °C, puis elle augmente brusquement de 3–4 °C en postovulatoire du fait de la progestérone lutéale sécrétée par le corps jaune. Il existe ensuite un plateau thermique de 12 à 14 jours puis la température diminue au moment des règles. En pratique, c’est un examen peu utile (sauf pour éventuellement programmer certains examens comme le test post-coïtal), astreignant et mal vécu par les patientes et leur conjoint. Le dosage d’une progestéronémie au 22e jour du cycle, reflet de la sécrétion du corps jaune, peut parfaitement renseigner sur l’existence d’une ovulation.
• En cas de dysovulation : dosage de la prolactine et de la TSH.
• En cas de dysovulation associée à des signes d’hyperandrogénie : bilan nécessaire pour un « débrouillage » : dosage 17-OH progestérone (dépistage bloc enzymatique en 21 hydroxylase), testostérone et SDHEA (dépistage d’une tumeur surrénalienne).
Le nombre de follicules primordiaux est maximal à la naissance, puis diminue progressivement jusqu’à la ménopause par des phénomènes d’atrésie et d’ovulation. Chaque femme a un capital ovarien différent. Ce stock de follicules appelé « réserve ovarienne » décroît de façon importante à partir de 35 ans. En cas d’altération de la réserve folliculaire ovarienne, l’axe hypothalamo-hypophysaire tente par rétrocontrôle de stimuler les ovaires en augmentant la sécrétion de FSH.
Un bilan de réserve ovarienne est indiqué en cas d’âge > 35 ans, d’irrégularité du cycle menstruel, d’antécédents personnels ou familiaux d’insuffisance ovarienne prématurée, d’antécédents d’ « agression ovarienne » (exemples : chirurgie, chimiothérapie) et si une prise en charge en AMP est prévisible (RPC CNGOF 2010). Ce bilan permet d’appréhender le pronostic (si la réserve ovarienne folliculaire est basse, les chances de grossesse en AMP diminuent) et l’urgence de la prise en charge (tableau 6.1).
Tableau 6.1 Interprétation des marqueurs biologiques de la réserve ovarienne folliculaire.
FSH plasmatique |
Un taux de FSH élevé entre J2 et J4 du cycle (≥ 12 UI/L) est le témoin d’une mauvaise réserve folliculaire ovarienne. Un taux de FSH élevé (seuil très discuté, souvent > 15 UI/L) peut parfois faire récuser une prise en charge en AMP, en raison d’une mauvaise réponse à la stimulation ovarienne et de chances de grossesse très faibles. La difficulté est de définir un seuil limite, étant donné que les valeurs moyennes de FSH diffèrent entre les automates des différents laboratoires. De plus, il existe de grandes variations intercycliques du taux de FSH. Cependant, même si au cycle suivant le taux de FSH est < 12 UI/L, l’antécédent d’un taux élevé de FSH a une valeur péjorative pour la réponse à une stimulation ovarienne et les chances de grossesse. |
Estradiolémie |
Une estradiolémie élevée (> 50 pg/mL) entre J2 et J4 du cycle est un témoin indirect de la diminution de la réserve ovarienne, car témoigne d’un recrutement folliculaire précoce sous l’effet d’une augmentation du taux de FSH. Un taux élevé d’œstradiol (> 70 pg/mL) peut donner un taux de FSH « faussement normal » par rétrocontrôle négatif. Ainsi, un taux de FSH doit toujours être interprété et pondéré en fonction de l’estradiolémie. |
Hormone anti-müllerienne |
L’hormone anti-müllerienne (AMH) est sécrétée par les petits follicules en croissance. L’AMH peut être dosée à tout moment du cycle. Le taux d’AMH est corrélé de façon quantitative à la réserve ovarienne folliculaire. C’est aujourd’hui un des marqueurs quantitatifs les plus fiables de la réserve ovarienne avec le compte des follicules antraux à l’échographie. Son dosage n’est actuellement pas pris en charge par la CPAM. |
Ce bilan, réalisé entre les 2e et 4e jours du cycle, permet d’explorer l’axe gonadotrope et d’estimer la quantité de la réserve ovarienne folliculaire : FSH, LH, estradiolémie. En deuxième intention ou en cas de doute sur la réserve ovarienne, il est parfois intéressant de doser l’hormone anti-müllerienne (AMH), dosage non pris en charge par la Sécurité sociale. Il n’y a plus d’indication à doser l’inhibine B chez la femme au XXIe siècle.
Bien que des taux anormaux de FSH, estradiolémie et AMH constituent un critère péjoratif, l’évaluation biologique de la réserve ovarienne n’a toutefois pas une sensibilité ni une spécificité absolue. Des dosages anormaux doivent être interprétés en considérant l’âge de la patiente et le compte des follicules antraux à l’échographie endovaginale.
Le compte du nombre des follicules antraux de 2 à 10 mm/ovaire, réalisé par échographie pelvienne par voie endovaginale aux 2-3e jours du cycle, est un des marqueurs les plus fiables de la réserve ovarienne avec l’AMH (figure 6.1). La présence de moins de 5 follicules antraux est très péjorative, car témoigne d’une mauvaise réserve ovarienne, avec risque de non-réponse à la stimulation ovarienne. A contrario, la présence de plus de 10 petits follicules antraux par ovaire fera craindre une réponse excessive en cas de stimulation ovarienne avec un risque de survenue d’un syndrome d’hyperstimulation ovarienne.
________________________________________________________________________________Figure 6.1
Vue échographique d’un ovaire normal avec nombreux follicules antraux.
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C’est un examen de première intention, réalisé en première partie de cycle, en l’absence d’allergie à l’iode et en l’absence d’infection génitale (antibioprophylaxie en cas d’antécédents infectieux). Il faut au préalable avertir la patiente que l’examen est parfois très douloureux. Six clichés sont classiquement réalisés : cliché sans préparation, clichés de remplissage, clichés en réplétion complète, en début d’évacuation et clichés tardifs à 30 min pour observer la vidange tubaire du produit de contraste et le brassage péritonéal du produit de contraste.
________________________________________________________________________________Figure 6.3
Aspect échographique 3D d’un utérus cloisonné.
Cette illustration est également reproduite dans le cahier couleur.
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________________________________________________________________________________Figure 6.2
Hystérosalpingographie. Trompe droite perméable avec brassage péritonéal. Obstruction tubaire gauche proximale (spasme tubaire ?).
Cette illustration est également reproduite dans le cahier couleur.
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Cet examen permet d’apprécier :
• la cavité utérine : découverte parfois d’une malformation (ex. : cloison utérine), d’une pathologie endocavitaire acquise (ex. : polype, fibrome, synéchie, adénomyose).
• la perméabilité tubaire : examen de toutes les portions des trompes, des plis muqueux ampullaires, du passage péritonéal et du brassage du produit de contraste.
L’échographie pelvienne doit être réalisée par voie endovaginale, idéalement en 3D. Elle permet d’explorer l’utérus (malformation, présence de fibromes, d’adénomyose), les ovaires (kystes, aspect échographique d’un syndrome des ovaires polykystiques). Son interprétation doit tenir compte du moment du cycle où elle a été réalisée :
• aux 2–3e jours du cycle, avant la phase de recrutement folliculaire, elle permet le compte des follicules antraux ;
• après l’ovulation, la deuxième partie de cycle (phase lutéale) est la période idéale pour voir les processus endocavitaires, car l’endomètre épaissi offre un contraste naturel. D’autre part, la présence d’un corps jaune au niveau d’un ovaire atteste l’antécédent d’ovulation.
• Hystéroscopie si doute sur une malformation (ex. : cloison) ou un processus endocavitaire (ex. : polype, fibrome, synéchie). Possibilité d’un traitement par voie endoscopique.
• Hystérosonographie : certaines équipes la préfèrent à l’hystéroscopie diagnostique pour des raisons d’organisation. Cet examen consiste à réaliser une échographie tout en instillant du sérum physiologique dans la cavité utérine. Le sérum offre un contraste anéchogène et peut révéler un processus endocavitaire (ex. : polype, fibrome).
• Cœlioscopie diagnostique : elle est classiquement réalisée en deuxième intention en cas d’anomalies à l’hystérographie ou d’infertilité inexpliquée.
• Elle est recommandée (RPC 2010) dans la prise en charge du couple infertile en cas de suspicion de pathologie tubo-pelvienne : antécédents d’appendicite compliquée, de chirurgie pelvienne, d’antécédents de salpingite, de signes cliniques faisant suspecter une endométriose, d’une séropositivité pour Chlamydiae trachomatis et/ou d’hydrosalpinx à l’échographie ou l’hystérographie. La cœlioscopie va permettre de réaliser un bilan anatomique pelvien pour rechercher une cause d’infertilité (exemple : séquelles d’infection utéro-annexielle, endométriose pelvienne). L’« épreuve au bleu », réalisée au cours de la cœlioscopie permet d’observer la perméabilité tubaire. Le principe est d’injecter de façon rétrograde du bleu de méthylène dans l’utérus via l’orifice cervical pendant une cœlioscopie.
Le recueil de sperme pour un spermogramme est réalisé par masturbation au laboratoire, après une abstinence de 3 à 5 jours. Plusieurs paramètres vont être analysés et doivent être interprétés selon les nouvelles normes OMS 2010, avec des paramètres déterminés après analyse de 4 500 éjaculats d’hommes du monde entier dont la femme a été enceinte après moins d’un an de rapports sexuels) :
• la couleur : normalement, le sperme est opalescent. Une couleur anormale doit faire craindre une infection : indication de spermoculture ;
• la viscosité : une hyperviscosité peut être le témoin d’une insuffisance prostatique ;
• le volume de l’éjaculat (N > 1,5 mL ou numération totale > 40 millions dans l’éjaculat) ;
• le PH (N : 7,2 à 8) ;
• la numération (N > 15 millions de spermatozoïdes mL) ;
• la mobilité des spermatozoïdes. Il faut au moins un total de 32 % de spermatozoïdes mobiles (= spermatozoïdes progressifs rapides + spermatozoïdes progressifs lents) ;
• la vitalité : il faut au moins 58 % de spermatozoïdes vivants ;
• la présence d’agglutinats spontanés fera évoquer des anticorps anti-spermatozoïdes ;
• la présence anormale de globules blancs évoquant une infection (leucospermie) ;
• l’analyse morphologique = spermocytogramme. Il faut au moins 4 % de spermatozoïdes de forme typique. En France, les biologistes utilisent encore beaucoup l’ancienne classification de David, qui, du fait d’autres critères morphologiques, fixe à 30 % le nombre de formes typiques dans un éjaculat.
Les paramètres du sperme peuvent varier chez le même patient au cours de certaines périodes (exemple : stress, syndrome fébrile) : il faut donc au moins 2 spermogrammes à 3 mois d’intervalle avant de pouvoir affirmer une anomalie du sperme (3 mois = durée de la spermatogenèse). Voici la définition de quelques anomalies du sperme (selon la classification OMS 2010) qui orienteront par la suite vers des examens plus spécialisés (les normes définissant l’asthéno-, la térato- et la nécrospermie peuvent encore varier d’une équipe à l’autre) (tableau 6.2).
Tableau 6.2 Paramètres du sperme.
Hypospermie |
Volume éjaculat < 1,5 mL |
Polyspermie |
Numération > 250 M/mL |
Oligospermie |
Numération < 15 M/mL ou < 40 millions de spermatozoïdes dans l’éjaculat |
Azoospermie |
Absence totale de spermatozoïdes : |
– soit azoospermie non obstructive (= sécrétoire) par défaut de la spermatogenèse |
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– soit azoospermie obstructive (= excrétoire) en cas d’obstacle sur les voies excrétrices |
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Asthénospermie |
Moins de 32 % de spermatozoïdes mobiles |
Tératospermie |
Moins de 4 % de spermatozoïdes normaux |
Nécrospermie |
Plus de 42 % de spermatozoïdes morts |
En cas de signe d’infection au spermogramme → spermoculture + recherche de Chlamydiae trachomatis par PCR sur le premier jet d’urine du matin.
Des anomalies du sperme à type d’oligo-térato-asthénospermie indiquent la réalisation d’un test de migration survie, pour voir s’il est possible d’améliorer les paramètres du sperme. Ce test permettra aussi en fonction de ses résultats d’envisager une stratégie de prise en charge en AMP.
Le test post-coïtal (TPC) n’est plus systématique dans le bilan de première intention du couple infertile (RPC 2010), mais peut être prescrit pour s’assurer de la réalité des rapports avec éjaculation et pour décider ou non d’une prise en charge par insémination intra-utérine en cas de TPC négatif. Le test post-coïtal est réalisé en pré-ovulatoire immédiat, en général au 12e jour du cycle chez des patientes ayant des cycles de 28 jours. Il a lieu 8 à 12 heures après un rapport sexuel, après 3 jours d’abstinence. Il est demandé à la femme de ne pas faire de toilette vaginale après le rapport. Le TPC permet :
• l’analyse de la qualité de la glaire cervicale (abondance, filance…) sur un prélèvement réalisé au niveau de l’endocol ; coté par un score appelé score d’Insler. Le score d’Insler évalue quatre critères cotés de 1 à 3, et doit être supérieur ou égal à 8/12 : ouverture du col, abondance, filance, cristallisation de la glaire ;
• l’analyse en microscopie optique du comportement des spermatozoïdes dans la glaire cervicale. Le test post-coïtal est positif si un nombre suffisant de spermatozoïdes mobiles (dits spermatozoïdes progressifs rapides) sont retrouvés au niveau de la glaire (au moins 5 à 10 par champ de microscope).
La première consultation pour infertilité permet de prendre certaines mesures de prévention préconceptionnelle :
• Vaccination contre la rubéole chez la femme si sérologie négative et éviter toute grossesse dans les 2 mois suivant la vaccination.
• En l’absence d’antécédent de varicelle (avec au besoin réalisation d’une sérologie), il est recommandé de vacciner contre la varicelle toute femme avec un désir de grossesse (HAS). Une contraception de 3 mois est recommandée après chaque dose de vaccin (2 doses au total).
• S’assurer d’une vaccination efficace du couple contre la coqueluche, et envisager un rappel de vaccination dans le cas contraire.
• Vaccination maternelle contre la grippe recommandée en cas de pathologie respiratoire, cardiovasculaire, neurologique, néphrologique et/ou de diabète.
• Régime amaigrissant en cas de surpoids ou obésité avec exercice physique régulier.
• Arrêt des toxiques éventuels : alcool, tabac, cannabis, limiter la caféine.
• Supplémentation vitaminique de la femme par acide folique (0,4 mg par jour en l’absence d’antécédents) pour la prévention des anomalies de fermeture du tube neural.
• S’être assuré de l’absence de contre-indications à une grossesse : équilibre pré-conceptionnel d’un diabète pré-existant (hémoglobine glycosylée < 6,5 %), absence de traitement tératogène en cours.
• Orientation si besoin vers une consultation pré-conceptionnelle spécialisée en cas d’antécédents spécifiques (exemple : maladie chronique, infertilité, antécédents de grossesse pathologique).
• Recherche des situations de précarité et/ou de vulnérabilité (ex. : violence domestique) et proposer un accompagnement psycho-social.
• Évaluation du risque professionnel et de la pénibilité du travail.
________________________________________________________________________________Figure 6.4
Bilan paraclinique de première intention après 12 mois de rapports sexuels réguliers sans contraception.
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Bilan pré-AMP :
• En cas de prise en charge en AMP, la loi de bioéthique impose la prescription d’un bilan infectieux, car en cas d’infection virale (HIV, hépatite B, hépatite C), le couple sera pris en charge de façon spécifique de façon à ne pas mettre en contact leurs gamètes et embryons avec ceux des couples séronégatifs : sérologies HIV, hépatite B, hépatite C, syphilis et spermoculture.
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Points clés
• L’infertilité est un motif de consultation très fréquent : un couple sur cinq sera ou a été amené à consulter pour ce motif.
• L’infertilité est définie pour l’OMS comme l’absence de grossesse après plus de 12 mois de rapports sexuels réguliers sans contraception.
• L’augmentation de l’âge de la femme est un des facteurs les plus importants de la baisse de la fécondabilité. La fertilité féminine diminue de façon importante après 35 ans, du fait d’une accélération des phénomènes d’atrésie folliculaire et de l’altération de la qualité ovocytaire. Les deux autres facteurs pronostiques péjoratifs sont le tabagisme et l’obésité.
• Il est licite de commencer les explorations après 1 an d’infertilité ; après s’être assuré de la régularité des rapports sexuels dans le couple. Un bilan d’infertilité concerne un couple et doit explorer les deux membres du couple et toutes les étapes de la fécondation. Encore beaucoup de femmes consultent seules, avec des conjoints souvent réticents à être explorés. Bien que le temps soit pour la majorité des couples le premier traitement de l’infertilité, ne pas perdre de temps en cas d’âge maternel élevé (> 35 ans) ou d’antécédents exposant à un risque d’infertilité à l’interrogatoire.
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